Avignon, du côté du off

Les débuts véritables du Festival d’Avignon sont pour ce soir avec la création, dans la cour d’Honneur du spectacle de Pascal Rambert « Architecture ». Mais déjà, depuis hier soir, les artistes du off donnent des avant-premières et l’on a cueilli quelques pépites…

Honneur à un artiste qui a conservé sa silhouette d’adolescent mais qui est un géant souriant du théâtre, Omar Porras. Depuis quatre ans, ce poète des planches dirige le Théâtre Kleber-Méleau à Rénens en Suisse. C’est là qu’il a mis en scène le féérique Psyché, donné cette saison au Théâtre 71 de Malakoff.

Il a grandi en Colombie dans un univers éloigné des préoccupations culturelles. Mais à vingt ans, en 1984, il est arrivé en France et a affermi sa vocation d’homme de tréteaux en découvrant Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Jacques Lecoq et le monde de Ryszard Cieslak et Jerzy Grotowski. Toutes ces influences se mêlent dans son univers esthétique et littéraire.

Avec Ma Colombine qui se donne au 11-Gilgamesh-Belleville d’Avignon à 11h40 (durée 1h20), il offre au texte écrit pour lui par Fabrice Melquiot, un développement magistral. L’auteur s’est pris d’amitié et d’admiration pour ce vif-argent et, en l’écoutant raconter sa vie, son enfance, son chemin, il a su arracher le biographique au prosaïque et donner une dimension féérique au moindre événement. Omar Porras fait le reste avec sa grâce, son charme, ses qualités d’athlète et sa manière fascinante de savoir évoquer en un geste, un regard, une intonation, des sentiments complexes.

Rien de pathétique. Mais de la joie, un humour ravageur, une empathie, de la spiritualité libre de toute attache qui le ligoterait. Ma Colombine est un sommet d’intelligence et de sensibilité. C’est le travail d’un auteur très fin, Fabrice Melquiot et d’un artiste exceptionnel qui déploie ses talents prodigieux avec une candeur d’éternel enfant. Mais quel grand travail !

Du travail, c’est ce que l’on devine dans Les gens m’appellent…conçu et interprété par Guillaume Marquet. Il s’appuie sur un des épisodes de la carrière du chanteur : le concert qui devait se donner le 4 septembre 1998 au Stade de France mais qui fut anéanti par la pluie. Entouré d’excellents musiciens, Benoît Chanez, Samuel Domergue, Christophe Fossemalle, Isabelle Sajot, Guillaume Marquet procède par retours en arrière et tresse ainsi plusieurs temporalité, convoque des « personnages » très importants dans la vie et le chemin de l’idole des jeunes. On devine que l’auteur-interprète sait son Johnny par coeur. Il a tout lu, il sait tout, il organise avec tact et intelligence les entrées et sorties de la galaxie. On comprend avec précision les enjeux des concerts et le travail essentiel de Jean-Claude Camus, par exemple. Pour être Johnny, il faut chanter, bien sûr. Sans l’imiter, mais en reprenant son phrasé et cet infime accent, Guillaume Marquet atteint d’essence même de la question de la représentation et lorsqu’à la fin il convoque Maurice Chevalier ou Gene Kelly, il est tout aussi subtil dans l’évocation. C’est sidérant. Le spectacle, tel quel, est encore un peu flottant sur quelques points. Question de temps : on a vu quasiment le premier filage devant public…et le travail commence ! C’est à Théâtre Actuel, à 20h55, durée : 1h25.

Enfin voici un spectacle qui s’adresse au jeune public mais que les adultes goûteront avec délice. Cela s’intitule Micky & Addie. Un texte de Rob Evans qui a travaillé avec Andy Manley. Séverine Magois, excellente traductrice signe la version française (L’Arche éditeur). Il y a beaucoup de charme dans cette histoire d’amitié entre deux jeunes, dix ans peut-être, un garçon en quête de la vérité sur son père, une fille un peu je me mêle de tout…Julien Lopato signe la mise en scène et dirige deux acteurs doués et délicats, Alexis Gilot, particulièrement vif et délié, fin, grave Micky et Jennifer Maria, Addie. Dans la chapelle qui est le lieu du Chapeau d’Ebène, le spectacle se donne à 10h05 et dure une heure. Le travail scénographique, les objets, la succession vive des scènes, sous la responsabilité principale de Garance Coquart, qui signe également les lumières changeants, est très beau. Cela participe de l’enchantement. Une belle histoire qui touche et touchera les enfants comme leurs parents….

Voici donc pour un tout premier tour ! A suivre.

Visuels © M&A Cie

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