Banc public avec fantômes

Sous le titre « Place de la République », Clément Hervieu-Léger organise la rencontre brève d’une jeune femme et d’un photographe en quête perpétuelle. Juliette Léger et Daniel San Pedro sont subtilement accordés.  

Rien, presque rien. Une rencontre aussi improbable que banale –un paradoxe, oui. Une toute jeune femme et un homme plus mûr. Il se balade armé d’un sac de voyage et d’un appareil photo de type « Polaroid », grande folie de la fin des années 60 et un peu au-delà. Elle flotte, semble attendre tandis qu’il va d’un pas décidé et cherche.

Lui, on l’imagine tout de suite un peu retenu par des fils reliés au passé. Séduisant, visage bien structuré, légèrement hâlé. Quelque chose de sportif, en lui. Un beau regard, un sourire ouvert. Elle se laisse photographier, le tutoie d’emblée. Bizarre. Elle n’a pas l’air d’une fille à tutoyer les inconnus. Mais qu’importe. On les regarde, on les écoute. Parfois, il parle comme un livre. Ils ont des terrains d’entente, et pas n’importe lesquels. Amitiés flamboyantes, disparitions, ruptures. Ce sont des contes d’entente et d’évanescence. Ne disons ni amour, ni mort. Rimbaud est au cœur. Il raconte, des voyages, une rencontre bouleversante. Elle racontera, une amitié à racines profondes. Ils ont en commun des évaporations, des blessures.

Lui, Daniel San Pedro, est un comédien, un metteur en scène, que l’on connaît très bien et que l’on a souvent applaudi. Il est d’une vérité bouleversante. Au Paradis, on est au plus près des interprètes et l’on s’en veut, parfois, d’être dans une posture d’indiscrétion. Mais Clément Hervieu-Léger qui a composé ce texte, le met en scène, parvient à établir une distance pudique entre les acteurs, les « personnages » et les spectateurs. Dans la partition de la toute jeune fille, Juliette Léger, fascine avec ses troublantes ressemblances avec la jeune Juliette Binoche. On l’a déjà vue, ici ou là. Fine, fluide, voix très belle –d’ailleurs elle chante-, grâce –d’ailleurs elle danse- justesse de tout l’être.

Autant le dire, on adhère profondément à la proposition dramatique de Clément Hervieu-Léger. On est admiratif et touché par ces deux personnalités délicates. On ne comprend pas les pleins feux, un moment, ni que Daft Punk et Veridis quo prennent tant de place. Pinaillages de spectatrice.

Lucernaire, salle Paradis, à 19h00 du mercredi au samedi, à 15h30 le dimanche. Tél : 01 45 44 57 34. Durée : 1h00.

www.lucernaire.fr