Florence Giorgetti, présence lumineuse

La comédienne s’est éteinte le 31 octobre, après un long combat contre la maladie. Une magnifique présence au théâtre depuis plus de cinquante ans et un beau chemin cinématographique.

On la revoit, blonde et rieuse. Mais comme toute comédienne, on l’a connue rousse, ou cheveux châtain parfois. Spirituelle et légère, mais mélancolique, grave, également. Une certitude soude ces apparences mobiles : le cœur de Florence Giorgetti était un soleil. Elle irradiait sur les plateaux, qu’elle soit au théâtre ou sous les projecteurs du 7ème art ou de la télévision. Elle était intelligente, assez intimidante. D’une énergie que seule la maladie aura pu entamer.

Une photo de sa toute jeunesse : mais elle était restée cette jeune femme là. Grands yeux, belle architecture de visage et on ne sait quoi de mélancolique dans le regard clair. DR

Mourir. Les artistes s’effacent. Après Annick Alane, d’une génération différente, il y a quelques jours, voici le moment de rendre hommage à une artiste qui s’éteint à 75 ans, après une très longue et belle traversée du monde de la représentation. Née le 15 février 1944, elle avait débuté très tôt : elle avait été engagée pour jouer dans les mythiques Troyennes mises en scène par Michael Cacoyannis dès 1965-66, de Chaillot à Avignon. Dès lors elle n’arrêtera plus travaillant sous la direction de Robert Hossein, faisant partie de la première distribution de la pièce de Georges Wolinski, Je ne pense qu’à ça, mise en scène par Claude Confortès. Elle joue aussi avec Jean-Louis Barrault, Pierre Debauche, plongeant dans  Jarry, Tchekhov comme Peter Handke et devenant quelques années plus tard une sorte de pensionnaire du Théâtre de Nice, du temps de l’inoubliable Jean-Pierre Bisson qui écrit ses propres textes. Elle est aussi heureuse chez Marcel Maréchal, chez Jean-Christian Grinevald  et Christian Schiaretti, avec lesquels elle va interpréter son premier Philippe Minyana, Ariakos.

Parallèlement, elle qui s’est mariée avec Pierre Arditi –leur fils Frédéric, peintre, est né en 1969- débute son parcours au cinéma. Il passe par Mitrani, Enrico, Ferreri (mais oui, souvenez-vous de La Grande bouffe !. Plus tard, Blier, Wyn, Cayatte, Goretta (elle est l’amie de la débutante Isabelle Huppert dans La Dentellière). Elle sera souvent engagée, à la télévision également, mais le théâtre est sa vie essentielle, d’autant qu’après une parenthèse drôle du côté du privé –Chapitre II de Neil Simon sous la direction de Pierre Mondy- elle va faire la grande rencontre de sa vie. Elle deviendra son épouse en 84, mais elle est d’abord sa muse, sa meilleure partenaire de recherche : elle a rencontré Robert Cantarella. Ensemble ils mettent en lumière Minyana : Inventaires, Les Petits Aquariums. Ensemble, ils vont travailler aussi bien Bernstein sue Noëlle Renaud, Cervantès aussi bien que Lars Nören, Jane Bowles, De Filippo, Botho Strauss (Grand et Petit, dont elle avait auparavant joué Visiteurs avec Didym et Loyon) ou Georg Kaiser et O’Neill et Strindberg plus tard. Pour ne citer que quelques auteurs.

Florence Giorgetti avait été appelée par Claude Yersin pour créer L’Ourse blanche de Daniel Besnehard et avait attendu l’orée des années 2000 pour mettre en scène Feydeau, puis  Madame Ka de Noëlle Renaude. A partir de ces années, toujours belle, jeune, rayonnante, elle fit un long bout de chemin avec Philippe Calvario : La Mouette de Tchekhov, Roberto Zucco de Koltès, Richard III de Shakespeare, Electre de Sophocle.

La maladie s’était déclarée il y a quelques années. Elle avait publié un livre, Do you love me ? (Sabine Wespieser, 2010),avait fait de brèves apparitions au cinéma et avait pu reprendre, avec ses amies Edith Scob et Judith Magre, Inventaires de Philippe Minyana, en 2013 au Poche-Montparnasse.

On ne l’oubliera pas. Une femme accomplie, une artiste audacieuse. Un courage intellectuel, moral, physique. Une merveilleuse comédienne, belle voix, précision des sentiments, ultra-sensibilité. Une grande.

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