Herculine Barbin, personnage tragique

Catherine Marnas signe un beau spectacle, porté par le jeu de Yuming Hey et Nicolas Martel et une équipe artistique très inspirée. Elle sous-titre ce travail « archéologie d’une révolution », mais c’est la solitude qui bouleverse.

Un espace blanc. Le sentiment d’un mur de nuages pommelés qui descendent en cascade, roulent, des déclinaisons de blancs, de gris, au fond du plateau. Peu d’éléments de décor. Sous des voiles, blancs eux aussi, à l’avant-scène cour, un lit sans doute. De l’autre côté, un homme à vue que l’on verra se déplacer comme un danseur et chanter a cappela, du Verlaine/Ferré, notamment. C’est Nicolas Martel, artiste complet, repéré dès le conservatoire et qui a notamment travaillé avec Caroline Marcadé et des musiciens. Une forte personnalité, un partenaire idéal pour celui qui incarne Herculine, lui-même exceptionnel.

Catherine Marnas signe un moment aussi délicat qu’intelligent, très émouvant, mais d’abord très rigoureux. Sans tentation de pathos, même si le spectateur qui a un cœur qui bat, ne peut être que bouleversé.  La grâce de Yuming Hey, sa présence délicate et ultra-sensible, sa maîtrise, au soupir près, d’un texte qui n’est pas facile, donne à cette adaptation d’un texte qui fut très célèbre, une puissance particulière.

Des années après l’édition, par Michel Foucault, du livre de Mémoires de celle qui, reconnue femme à sa naissance, dut vivre plus tard sous l’identité d’un homme, et en mourut, l’équipe renouvelle complètement l’histoire tragique et donne un sens neuf au destin déchirant d’Herculine. La société a changé, les questions du genre la taraudent sans cesse.

Ne faisons pas ici développement précis de l’argument, ni analyse du sens : il faut laisser au spectateur le plaisir de découvrir la manière dont un être peut passer du bonheur au plus profond malheur, de la joie radieuse aux pensées mortifères, de l’innocence au cauchemar.

Le texte pour la scène a été mis au point par la metteuse en scène et par Procuste Oblomov, conseiller artistique tandis que Lucas Chemel est assistant à la mise en scène.

Disons que la manière dont le spectacle est conduit et incarné, enchante par sa clarté, son trait net, et bouleverse très profondément. Toute l’équipe artistique est forte : la scénographie de Carlos Calvo, le son de Madame Miniature, la chorégraphie d’Annabelle Chambon, les lumières de Michel Theuil, la vidéo de Valéry Faidherbe et Emmanuel Vautrin.

Avec ses cheveux partagés en lisses bandeaux, sa fragilité de toute jeune fille, sa robe légère, sa voix si prenante, sans fard, son regard intense, l’Herculine de Yuming Hey est fascinante. On a le sentiment de tout comprendre des innocences et des souffrances d’Adélaïde Herculine Barbin, dite Alexina, née le 8 novembre 1838 et se suicida dans la nuit du 12 au 13 mars 1868. Avant ses trente ans. Nicolas Martel apporte beaucoup à la représentation, par ses talents grands et sa présence douce.

Une très forte et convaincante transcription pour la scène, des années après Alain Françon pour Dominique Valadié, en un autre temps, avec d’autres grilles d’analyse…

Théâtre 14, mardi, mercredi, vendredi à 20h00, jeudi à 19h00, samedi à 16h00. Durée : 1h30. Jusqu’au 3 décembre. Tél : 01 45 45 49 77.

billetterie@theatre14.fr

Puis : les 13 et 17 décembre, Théâtre national de Bordeaux Aquitaine.

Le 9 mai, Théâtre ATP de Dax.