Isabelle Lafon largue nos amarres

Un moment, pas même une heure, qui subjugue. Mais allez expliquer « Je pars sans moi », déambulation, sur un plateau, de l’auteure comédienne et de Johanna Korthals Altes.

Il y a des artistes dont on comprend les spectacles, les recherches, le jeu, des artistes qui nous touchent, nous bouleversent de leur seule présence. On est subjugué, mais en éveil. Il ne s’agit pas de fascination, mais d’éveil. On écoute, on regarde, on accepte, on suit. Mais après, c’est comme si le sens, trop subtil, trop évanescent, s’était effacé. Et l’on est bien en peine de parler intelligemment de ce que l’on a vu, ressenti, compris.

Silhouette nerveuse, plutôt petite, brune aux cheveux courts, Isabelle Lafon nous conduit toujours sur d’étranges chemins. Escarpés, dangereux. Elle appuie son travail sur des recherches profondes, des lectures, des rencontres, des questions.

Mais tout est diffus, elliptique dans ses dialogues. Ne comptez pas sur elle pour des conférences ou d’oiseuses considérations. Tout est transmué, chez elle.

Mais qu’est ce que cette porte ? Elle ne sépare pas et ouvre sur un ailleurs à portée de pensée. Photographie de Laurent Schneegans. DR. Il signe également les lumières. Au premier plan, Johanna Korthals Altes. Derrière la porte, Isabelle Lafon.

Pour Je pars sans moi , tout un programme, une formule à la fois cocasse et angoissante, elle a conduit ses pas du côté des œuvres du psychiatre Gaétan de Clérambault et des écrits de Fernand Deligny. Mais c’est à Yanis Benhissen, 8 ans, qu’elle emprunte le « Je pars sans moi », suivi de « Puis-je aussi vous demander de nous attendre là-bas ? » Il travaillait alors avec le poète Patrick Laupin.

Du pied du plateau nu de la petite salle de la Colline, où se dresse, se donnant sur rien, une porte qui a bien sûr son importance dans les considérations des deux « personnages » que l’on suit : Isabelle Lafon et sa complice de jeu, grande et rousse, Johanna Korthals Altes.

Assise sur un tabouret, Isabelle Lafon, à ses pieds sa complice inspirée, Johanna Korthals Altes. Photographie de Laurent Schneegans. DR.

Un charme opère. Et, ainsi qu’on l’a précisé, ce charme agit sur les crânes : on comprend, on suit, on se balade aux abords d’une folie qui transfigure les mots, le langage en général. On sourit, on rit pas mal. On comprend les blancs, les suspens, les ellipses. Quel est ce miracle. Allez-y voir, on ne saurait en dire plus…

La Colline, petit théâtre, jusqu’au 12 février, 19h00 mardi, 20h00 du mercredi au samedi, 16h00 dimanche. Durée : 1h00. Tél : 01 44 62 52 52

billetterie.colline.fr

www.colline.fr

Rencontre avec les interprètes, samedi 4 février, Bibliothèque Oscar-Wilde, 12 rue du Télégraphe, 75020 Paris. Entrée libre sur réservation : 01 44 62 52 00.

contactez-nous@colliine.fr