La Carpe et le Lapin : Pigeon vole !

Dominique Frot et Vincent Dedienne, ensemble sur un plateau. Cela ne se refuse pas. Ils ont concocté un spectacle qui, pour le moment, flotte un peu. Mais c’est le jeu !

Ils ne sont pas toujours comme sur la photographie de Christophe Raynaud De Lage… Parfois, ils sont assis sur le même canapé, ils ne font pas que se suivre !

Il y a la Reine, c’est ainsi qu’il la nomme d’abord. Tout seul devant le rideau de fer de cette salle immense (1050 places, s’il vous plaît !), il parle d’un prologue qu’ils avaient pensé faire et qu’ils n’ont pas fait…et, ce faisant, il ne fait rien d’autre qu’un prologue !

A la fin, ils chanteront ensemble une chansonnette très sympathique, et ce sera la conclusion d’une promenade en paroles et en musique, sur un plateau immense et encombré d’un bric-à-brac dont on ne saisit pas tout…

Il y a une statue du Général de Gaulle…Mais que l’on sache, il n’est pas vraiment question de lui…Même si Catherine Frot interprète des chansons qu’il a pu connaître… Il y a une fontaine à eau, un piano et deux pianistes en alternance : Patrick Laviosa et Thomas Février. De très bons partenaires.

 Il y a quelque chose comme un rail de travelling au cinéma. Mais c’est plutôt simplement un tapis roulant sur lesquels les deux complices vont et viennent –photo ! – et font voyager des objets plus ou moins reconnaissables, plus ou moins imposants. La scénographie est inscrite sous le nom d’Alexandre de Dardel, dans des lumières de Kelig Le Bars.

Ils s’amusent, pas de doute. Ils se poursuivent ou partagent calmement quelques moments, en disant de beaux textes. Ou en chantant. Photographie de Christophe Raynaud De Lage. DR.

La Carpe et le Lapin, comme on le sait, c’est un mariage impossible. Pourtant, ils convolent une heure trente durant, et sept fois par semaine ! Il faut s’aimer ! Si elle est la Reine, il est son Fou. Si elle est la Carpe (mais bien volubile pour une Carpe), il est le Lapin et d’ailleurs, il possède une mignonne paire d’oreilles blanches dont il ne fait pas un usage excessif…

Disons-le, on les avait imaginés en smokings. Comme deux as du music-hall, comme deux magiciens aux tours plus ou moins connus !

Pas cela du tout : elle porte une robe longue, imprimée, très années baba. Et lui, un pull rouge vif près du corps sur un pantalon neutre. On ne reconnaît en rien la main de Michel Dussarrat…Mais après tout !!!

Détail : mais ce faisant, ils désacralisent immédiatement leur position d’artistes sur le plateau, tandis que l’on serait les spectateurs dans la salle. Ainsi, la monumentale cage de scène de la Porte Saint-Martin, prend-elle des allures de grenier. On surprendrait deux amis, deux enfants peut-être, tentant de passer ensemble une après-midi d’ennui. Cherchant des idées, utilisant ce qu’ils ont sous la main.

Ce serait…Ils disent des textes, que l’on reconnaît presque tous. Des pages connues d’auteurs ou de pièces connues. Des chansons. De plus ou moins bon goût. Des citations. Tout un pêle-mêle sympathique. Mais l’ensemble est un peu léger.

Le public les aime et les admire. Mais ils pourraient muscler un peu le « spectacle ». Introduire d’autres textes. On ne cite rien, puisque le plaisir est à la découverte et, à la fin, on vous remet la liste des extraits. A une exception près, en tout cas lors des premières représentations.

Avec générosité et goût du risque, Jean Robert-Charrier leur a laissé des semaines de répétitions et appuie sa deuxième partie de saison sur leur duo. Sous-titré, « un cadavre exquis de et avec Catherine Frot et Vincent Dedienne », le spectacle a été monté sous le regard d’une amie, Julie-Anne Roth, qui signe avec eux deux la mise en scène. On nous ajoute que Serge Bagdassarian a exercé son « précieux regard » et que Vincent Chaillet a signé les chorégraphies. Bref, une production très soignée par-delà les idées des protagonistes. Raison de plus pour leur demander du rab’.

Occuper l’attention d’un large public avec rien ou presque rien est un art difficile. On reste un peu sur sa faim. Il manque sans doute un fil véritable et, répétons-le, un peu de matière textuelle. Mais c’est tout l’intérêt de cette forme flottante, elle peut évoluer sans problème.

Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à 20h00 du mardi au vendredi, 17h00 et 20h30 le samedi, 16h00 le dimanche. Durée : 1h25 (sans les applaudissements). Tél : 01 42 08 00 32.