L’irreprésentable « consentement »

La très sensible Ludivine Sagnier est d’une bouleversante sincérité mais la transposition scénique du livre de Vanessa Springora nous apparaît un peu trop imagée.

Transposer un livre qui est la voix unique et douloureuse d’une femme qui se souvient d’un profond traumatisme de son adolescence, est un exercice périlleux. Il y a de l’audace dans la manière dont Ludivine Sagnier, dont on ne peut que saluer la présence sur un plateau de théâtre, « joue » le texte de Vanessa Springora.

Le Consentement, publié chez Grasset, écrit des années après les faits, a frappé les consciences. Non simplement parce qu’il plongeait dans une vérité dérangeante -notamment parce que renvoyant à une affaire d’emprise et à des personnalités connues du monde littéraire- mais parce qu’il est d’une écriture sobre et forte, sans effets et que toute la souffrance de la narratrice ne s’exprime qu’avec une distance voulue, tenue.

Ludivine Sagnier est d’une bouleversante vérité dans cette adaptation du livre de Vanessa Springora. © Christophe Raynaud de Lage

Transposer pour la scène une confession, car il s’agit de la vraie vie d’une femme, demande beaucoup de tact.

On ne met pas en doute la sincérité de Sébastien Davis qui signe la mise en scène. Mais, avouons le, on a été troublé par la manière très expressionniste qu’il demande à l’interprète.

Ludivine Sagnier est une artiste aussi séduisante que douée. Mais il y a quelque chose de luxée dans la situation qu’on lui impose. Notamment avec cet écran translucide derrière lequel elle se déshabille et se rhabille. C’est un contresens, nous semble-t-il. C’est le contraire de la manière de Vanessa Springora.

C’est pourquoi on a mis tant de temps à évoquer ce « spectacle », vu lundi dernier dans la petite salle de l’Espace-Cardin. Car on doit avouer que les spectateurs sont enthousiastes.

Mais, aussi impressionnant soit l’engagement de l’interprète, aussi sincère soit-elle, aussi sensible et touchante soit-elle, on a le sentiment qu’elle est sur un chemin inutilement imagé.

A ses côtés, le musicien Pierre Belleville, batteur doué, apporte des ondes de tension, d’explosion, très intéressantes.

C’est une adulte qui a beaucoup réfléchi à ce qu’elle pouvait, devait dire, qui constitue Le Consentement. Or, la mise en scène, en demandant la Ludivine Sagnier d’être en débardeur rose sur un pantalon de jogging blanc, nous renvoie à l’adolescente de quatorze ans. Et l’on est en porte-à-faux.

Cela n’enlève rien à la profondeur de la sensibilité de Ludivine Sagnier, à sa beauté solaire, à sa présence mobile, dansante, à son intelligence, et, répétons le, à sa sincérité. Mais la voix de Vanessa Springora est ici un peu voilée.

Théâtre de la Ville à l’Espace Cardin, jusqu’au 30 novembre. Durée : 1h20. Puis à Annemasse du 13 au 15 décembre, à la Croix-Rousse, à Lyon, du 4 au 7 janvier. En attendant d’autres dates de tournée. Le livre Le Consentement a été publié chez Grasset.