Marie-Antoinette, émotion du jour

Au Poche-Montparnasse, Marion Bierry adapte et met en scène le destin de la reine de France racontée par Stefan Zweig. Avec Thomas Cousseau, elle livre ce récit au présent.

Stefan Zweig ne sacralise pas Marie-Antoinette. Il s’interroge sur sa transfiguration : « (…) à la dernière heure de sa vie, à la toute dernière heure, Marie-Antoinette, nature moyenne, atteint au tragique et devient égale à son destin. ». L’écrivain autrichien ne la flatte en rien et il est si pessimiste qu’il dit que pour qu’un être comme elle dépasse sa « normalité », « le destin n’a pas d’autre fouet que le malheur. »

Pour Marie-Antoinette, il va plus loin et pense que si la reine se réveille, littéralement, au moment de la Révolution, c’est qu’elle est de haute naissance et qu’elle « fait surgir toute la grandeur ancestrale ensevelie dans ses profondeurs. »

C’est ce point qui a intéressé Marion Bierry, toujours excellente dans la mise en scène et interprète fine et nuancée.

C’est en Autriche, à Vienne, que cette artiste avait trouvé l’accomplissement de sa formation et l’on ne peut s’interdire d’y penser, en l’écoutant, vive, enflammée parfois, raconter Marie-Antoinette, longue et fine dans sa robe fluide aux dominantes rouges.

On est dans la salle du bas du Poche-Montparnasse, dans un dispositif « cabaret », avec de petites tables –c’est là que se donne également, à 21h15, Michel for ever, la comédie musicale en hommage à Michel Legrand.

Pas vraiment de décor, pas de dispositif lourd. On est dans la longueur de la salle et les deux interprètes vont circuler, se séparant, se retrouvant, dialoguant. Des plateaux délimitent de petits espaces sans lourdeur. Quelques sièges. Des lumières, des ombres signées Stéphane Balny.

Thomas Cousseau est vêtu d’une manière qui peut évoquer Stefan Zweig et il l’incarne, le représente. Marion Bierry, elle, n’est pas Marie-Antoinette. On ne quitte pas le récit, une distance. Le public est pris à témoin, en quelque sorte.

L’adaptation permet à ceux et celles qui n’auraient pas en tête tout le parcours de la jeune héritière de Habsbourg-Lorraine, née le 2 novembre 1755,  donnée en mariage au futur Louis XVI par sa mère, la très intelligente et de fort caractère Marie-Thérèse. Son père est mort alors qu’elle n’était qu’une enfant. Elle a reçu une éducation aux arts mais a eu beaucoup de mal avec les langues étrangères…Mais elle est vive et jolie.

Le mariage est conclu à distance alors même qu’elle n’a que quatorze ans. Son voyage vers la France est un événement pour tout le pays…

Stefan Zweig n’est pas sans sévérité pour la jeune fille, la jeune femme un peu frivole qui oublie ses désillusions conjugales en s’étourdissant au bal, puis en s’inventant fermière, etc…

Mais c’est la manière dont, pendant la Révolution, elle va savoir mûrir, grandir, devenir plus noble, plus lucide, rayonnant d’une autorité ferme, qui frappe et touche.

Les interprètes sont fins et sensibles. Il y a là un beau moment d’intelligence d’un texte –réduit- et une manière tendre de faire revivre ce destin d’exception, cette femme qui avance sans trembler vers sa fin. Elle meurt le 16 octobre 1793.

Théâtre de Poche-Montparnasse, salle du bas, du mardi au samedi à 19h00, dimanche à 15h00. Durée : 1h20. Tél : 01 45 44 50 21.

www.theatredepoche-montparnasse.com

Texte de Stefan Zweig : traduction d’Alzir Hella, livre de Poche, 1999 (8€).

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