Avec « Paléolitique Story », il remonte en compagnie de Sylvain Cartigny et d’interprètes, musiciens, comédiens, dans le lointain passé de notre planète…Inattendu, savant et cocasse.
On a toujours aimé l’audace, la fantaisie, l’originalité de Mathieu Bauer. Depuis 1989 et la fondation de la compagnie « Sentimental Bourreau », il n’a jamais cessé de travailler, d’innover, de se frayer des chemins très personnels dans le maquis de la création contemporaine. On ne refera pas ici le trajet. Si ce trajet se caractérise par des constantes, ce serait l’alliage de la musique –formation première de Mathieu Bauer et de Sylvain Cartigny- du texte, du jeu, de la transposition de certains films à la scène, de la recherche artistique, intellectuelle, scientifique et du groupe.
Après cette période très fructueuse, est venu le temps de la direction du centre dramatique, Nouveau Théâtre de Montreuil, de 2011 à 2021. Même souci du côté de ses propres travaux, et invitation faite à des artistes de disciplines telles que la danse, le cirque, l’image. La dominante demeurant un déploiement du théâtre musical.
S’il n’a plus de lieu, il travaille. Son esprit bat la campagne. Et des loisirs d’un enfant bien élevé à cueillir des asperges sauvages, des champignons, ou, en bord de mer, à ramasser des palourdes et autres couteaux, il en est venu à la grande cueillette de la naissance de nos civilisations.
Attention ! S’il est sérieux dans ses lectures, il n’a pas l’esprit de sérieux : il est exact, mais on est du côté de la fantaisie. Pas des pesantes leçons.
Pour savoir tout du processus de création de Paléolitique Story, avec un sous-titre entre parenthèses : « comment avons-nous pu nous retrouver si coincés ? », lisez la longue note d’intention, très claire, récit d’un cheminement savant.
Dans cette plongée étourdissante, on remonte jusqu’au temps des chasseurs-cueilleurs, de 35.000 ans jusqu’à 6.500 ans avant notre ère…Du paléolithique supérieur au néolithique. Toujours en quête de nouveautés, avec un sens de la critique scientifique et des progrès des savoirs, Mathieu Bauer et ses amis ont lu les préhistoriens classiques, mais aussi des anthropologues et économistes tel le regretté David Graeber, qui était une figure de proue d’« Occupy Wall Street ». Ou encore Marshall Sahlins, lui aussi décédé il y a presqu’un an, lumineux lorsqu’il analyse le temps des chasseurs-cueilleurs, justement.
Un corpus lourd de références, mais qui ne compromet pas le jeu. Trois comédiens, trois musiciens lancés dans une enquête archéologique savoureuse, engagée. Le texte mis au point par Lazare Boghossian et Marion Stenton, donne à entendre quelques pages « cueillies » auprès de ceux qui savent !
La grande Chantal de la Coste signe scénographie et costumes. La musique, de Sylvain Cartigny et Lawrence Williams, donne du tonus à la représentation qui revendique son côté bande-dessinée. Il faudrait être de mauvaise humeur pour ne pas apprendre, s’amuser, réfléchir.
Saluons Emma Liegeois, Romain Pageard, Gianfranco Paddighe et Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny, Lawrence Williams à la musique. On en dira plus en mars…
Spectacle vu à Malakoff, le 18 novembre dernier. Ce soir, 7 décembre, à 19h00 au Théâtre Joliette à Marseille, dans le cadre de la programmation hors les murs du Gymnase. Et les 8, 9, 10 à 20h00. Plus tard, les 2 et 3 mars, à Brive et au Théâtre Public de Montreuil, le centre dramatique, du 22 mars au 1er avril. Durée : 1h30.