Neandertal, une tentative forte

David Geselson, qu’il écrive et monte ses propres spectacles ou participe, comme comédien, à ceux de Tiago Rodrigues, s’est imposé en quelques années comme un artiste sensible, témoignant de son temps.

On l’a tout de suite admiré, évoquant sa propre histoire ou celle de son grand-père, avec En route Kaddish, il y a un peu moins de dix ans, ou plongeant avec délicatesse dans celle des autres, avec par exemple Doreen, d’après Lettres à D. d’André Gorz qu’il a longtemps repris. Il a également été un comédien essentiel dans certaines créations du directeur du festival, Tiago Rodrigues, Bovary ou, plus récemment, Chœur des amants.

Avec Neandertal (écrit sans accent, alors qu’en langue française il y en a un), il choisit un projet très ambitieux. Il a été saisi en entendant à la radio un savant suédois, prix Nobel, Svante Pääbo, qui a réussi, explique Geselson « la prouesse technique d’extraire de minuscules fragments d’ADN encore présents, dans des os très anciens. »

Il lit l’autobiographie du paléogénéticien : Néandertal, à la recherche du génome perdu. Ce grand esprit a reconstitué le génome complet de l’homme de Néandertal et peut en conclure que Sapiens conserve quelques traits de l’ancêtre…Ils se seraient rencontrés il y a plus de 40.000 ans.

Pris de passion pour cette vérité, David Geselson lit d’autres ouvrages et compose cette pièce de théâtre, un docu-fiction, comme on dit dans le monde du cinéma. Il commence par distribuer aux spectateurs, de petits cailloux noirs et brillants. Il prétend qu’il s’agit de fragments venus de l’espace…On les accepte avec des sourires d’enfant, et, autant le dire, on a gardé ce petit caillou qui ressemble à de la lave polie et qui n’est peut-être que du verre, comme un grigri pour cette 77ème édition du festival.

David Geselson a beaucoup travaillé, a introduit d’autres « personnages » issus de la réalité. Une scénographie à transformation de Lisa Navarro, vidéo de Jérémie Scheidler, son, lumière, costumes, tout témoigne d’un grand soin, et, sur scène avec un violoncelle, Jérémie Arcache possède une belle présence.

Geselson s’appuie sur le fait que le prix Nobel ne craint pas d’évoquer sa vie, un père qui l’a abandonné, ses enthousiasmes intimes, pour introduire la vie privée, sentimentale, les penchants sexuels, les rivalités amoureuses autant que scientifiques. Bref : le savoir le plus aiguisé ne met pas à l’abri des passions…

Mais hélas, disons-le, tout ce fatras sentimental brouille la question centrale. David Geselson, auteur, s’est inspiré des destins et des travaux d’autres chercheuses et chercheurs.  Notamment de la vie de Rosalind Franklin, découvreuse de la structure de l’ADN et d’un ouvrage intitulé Les Fossoyeuses de Taina Tervonen, de Craig Venter, un GI devenu généticien, de Maja Paunovic, du musée d’histoire naturelle de Zagreb, entre autres.

Les comédiens sont impeccables : à commencer par l’auteur/metteur en scène lui-même, et Adeline Guillot, Marina Keltchewsky, Laure Mathis et encore Elios Noël, Dirk Roofthooft et aux dessins, Marine Dillard.

On pinaille. Neandertal, sans accent, demeure l’un des spectacles du festival qui mérite voyage à Vedène. Il y a un propos, de la science et de l’art, du théâtre ! De l’intelligence et de la sensibilité.

L’Autre Scène du Grand Avignon – Vedène, jusqu’au mercredi 12 juillet à 15h. Durée : 2h30. Une copieuse tournée suit.