Paule Noëlle, enfant de troupe

Elle avait joué avec Jean Vilar avant d’entrer au Français en 1962. Elle s’est éteinte deux jours avant ses 80 ans. Délicieuse et bonne camarade, elle était lumineuse et sensible.

Avec son petit nez retroussé, sa silhouette déliée, son esprit, elle aurait pu figurer l’idéale Parisienne telle que la dessinait Kiraz. Elle fut une très jolie débutante et conserva, jusqu’aux derniers spectacles auxquels elle participa, son charme mutin, son regard pétillant, sa voix claire. Elle inspirait le sentiment d’une joie de vivre rayonnante. Elle ne faisait jamais peser ses soucis sur les autres. C’était une camarade généreuse, soucieuse des autres. Une femme libre, aussi, ainsi qu’en témoigne son fils unique, Kostia.

Paule Noëlle s’est éteinte deux jours avant son 80ème anniversaire que l’on aurait dû fêter le 30 mars. Elle s’était retirée il y a une dizaine d’années. Mais des années soixante aux années deux mille, elle n’aura jamais arrêté. Le théâtre était sa passion, mais elle connut une très jolie carrière à la télévision. Si elle était née à Paris, le 30 mars 1942, c’est à Rouen qu’elle avait suivi les cours du conservatoire, sortant très jeune avec deux premiers prix. Dès 1959, grands débuts publics, elle avait joué dans Le Festin de Pierre de Thomas Corneille, frère de Pierre. C’était au Festival Corneille de Barentin.

Dans un feuilleton « historique » de la télévision française, en 1966, le Chevalier d’Harmental, Jacques Destoop, tombe amoureux de la ravissante voisine. Film de Jean-Pierre Decourt. DR.

Forte de ces succès, elle intègre le conservatoire national supérieur, à Paris, dans la classe de Pierre Bertin. Elle suit également les cours d’Albert Lambert. Elle obtient le premier prix de comédie moderne et le second prix de comédie classique. Elle est engagée à la Comédie-Française, mais elle a déjà commencé sa carrière, sur le prestigieux plateau du TNP.

Elle est engagée dans Les Rustres de Goldoni. Son premier festival d’Avignon. Une mise en scène de Roger Mollien et Jean Vilar. On est en 61. Elle enchaîne avec Chaillot et La Paix d’Aristophane, mise en scène de Jean Vilar. Puis elle retrouve la cour d’Honneur avec La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Giraudoux. Toujours sous la direction de Jean Vilar. Le même été, Les Rustres sont repris à Avignon.

Peut-on imaginer plus beaux débuts ? Celle qui sera la 448ème Sociétaire en 1970, avant de faire valoir ses droits à la retraite en 1992, ayant joué plus de deux cents rôles et s’envolant vers le privé, débute dans Feydeau : elle est Viviane dans Un fil à la patte.

Son alacrité, sa luminosité, son physique qui peut être coquin, insolent, lui offre les « emplois » (on pense alors comme cela au Français) de soubrette, de servante et particulièrement dans Marivaux. Lisette dans Les Sincères ou Le Jeu de l’amour et du hasard, Marton dans Les Fausses confidences. Mais elle excelle également dans Regnard, Agathe dans Folies amoureuses. Et puis le patron, bien sûr : Isabelle dans L’Ecole des maris ou encore Zerbinette (avec la scène de fou-rire la plus insensée de tout le répertoire théâtral) dans Les Fourberies de Scapin. Elle figure également dans Les Précieuses ridicules.

On ne fera pas ici la liste de tous les spectacles dans lesquels elle aura joué, apportant sa personnalité heureuse et complexe à des univers très différents : trente années et deux cents spectacles !

N’est-ce pas qu’elle était ravissante ? Toujours le film « Le Chavalier d’Harmental »…DR.

Elle excelle dans tous les registres et chante à ravir. Au Français, et on le souligne puisque lui aussi vient de mourir, elle est la pétillante Suzanne du Mariage de Figaro de Beaumarchais, dans la mise en scène de Jacques Rosner. C’est en 1977.

La télévision va lui offrir des rôles plus graves, plus divers. On n’oublie pas la merveilleuse voisine du Chevalier d’Harmental, un feuilleton « historique » réalisé par Jean-Pierre Decourt en 1966.Jacques Destoop face à la ravissante Paule Noëlle. Là, elle est une jeune première. Mais elle va trouver des rôles plus graves, notamment avec l’inoubliable Claude Santelli.

Elle n’a jamais été cantonnée au classique, jusqu’à Brecht : elle crée de nombreux auteurs contemporains. Henry de Montherlant, Eric Westphal, Guy Foissy/

Avec Maurice Béjart, elle trouve un extraordinaire accomplissement, avec Les Plaisirs de l’île enchantée. Philis, c’est elle !

De 1992 à 2011, on l’applaudit au privé. Avec, notamment, Jean-Laurent Cochet.Revoyons Les Deux Colombes de Sacha Guitry, à la Pépinière, de 2007 à 2009 (une tournée avait suivi). Saluons-la, ayant choisi Colette, qui lui allait si bien, dans Colette, la vagabonde, composé et mis en scène par Jean-Pierre Hané. En 2011.

Ses amis diront adieu à Paule Noëlle, lundi 4 avril, à 11h30, au crématorium du Père Lachaise.

Sur le site de la Comédie-Française, toute la carrière de Paule Noëlle.