Retrouver Redjep Mitrovitsa

Dans la petite salle de la Reine Blanche, il incarne un personnage d’homme broyé dans un texte de Vincent Farasse. Eve Gollac lui succède, dans un plus bref monologue. « Un incident » nous plonge dans la cruauté du monde du travail et l’illusion du bien être.

Presque pas de scénographie dans la petite salle de la Reine Blanche. Il y a des lumières signées Nathalie Perrier, des envahissements de couleurs sur le mur du fond, du son, de la musique. Et la chaise sur laquelle un homme, surgi du fond du plateau, vient s’asseoir. Il ne bougera pas beaucoup, nous prenant à témoin des changements intervenus dans son travail.

C’est un homme doux, qui ne peut pas donner son sens véritable à ce à quoi il est soumis. Le spectateur, lui, comprend immédiatement. L’homme est empli d’une innocence enfantine. Peut-il imaginer qu’on lui veuille du mal ? Non.

C’est un bien étrange texte que celui de Vincent Farasse. Un incident, (publié par Actes Sud-Papiers), qu’il met en scène lui-même, juxtapose deux monologues, celui de cet homme paumé et celui d’une femme qui se présente en peignoir mal fermé, rompant avec le silence consubstantiel au premier monologue. Avouons que nous avons quelque mal à lier les deux même si l’auteur le souligne : (…) « elle est alors témoin d’événements étranges qui ne sont pas sans rappeler ce qui est arrivé à cet homme ».

Dans cette proposition brève, c’est le premier monologue qui touche le plus. Quelque chose d’une cruauté terrible. Quelque chose d’une violence insoutenable mais qui n’est donnée que dans la douceur de l’interprète magistral qu’est Redjep Mitrovitsa. Le calme de son visage, la bonté de son regard, sa voix aux inflexions inoubliées, ce ton de persuasion qu’il prend, parfois, car son récit va jusqu’au fantastique, et qu’il veut qu’on le croie.

Fantastique, oui. Le chat de la maison est un être doté de voyance et qui va s’exprimer…Le chat et son regard, prend une place grande dans la vie du narrateur, tandis que l’épouse s’inscrit en creux.

Il s’agit d’une tragédie. D’un récit à la Kafka. Une interprétation très intelligence, profonde, nuancée de Redjep Mitrovitsa, élève et comédien d’Antoine Vitez à Chaillot, pensionnaire de la Comédie-Française. Artiste unique, au théâtre comme au cinéma.

Le personnage d’Eve Gollac rompt avec la première partie. Un monologue beaucoup plus court, plus tonique apparemment. D’ailleurs on parle du corps, de natation, d’exercice physique, d’épanouissement. Mais il y a quelque chose d’impérieux dans sa manière de s’adresser à nous, dans ses mimiques. Elle aussi veut convaincre. Mais, répétons le, on a quelque mal à lier les deux apparitions…

Reste un moment qui nous rappelle aux réalités de notre société, par des artistes attachants.

La Reine Blanche, les mardis et samedis à 20h00, les mercredis à 21h00. Durée : 1h15. Jusqu’au 17 décembre. Tél : 01 40 05 06 96. Texte : Actes Sud-Papiers.

www.reineblanche.com