Ribes, ce jongleur mélancolique

A quelques semaines de la fin de son mandat de directeur du Rond-Point, il fait un tour de piste avec ses propres textes. Ce « Carnet de la dernière pluie » est partagé avec les excellentes Manon Chircen ou Marie-Christine Orry.

Pour qui connaît les écrits de Jean-Michel Ribes, ce florilège cocasse, féroce, sombre et libre jusqu’au délire, ne surprendra pas. Pour ceux qui aiment le théâtre, les textes de Jean-Michel Ribes sont aussi connus que les sketches de Fernand Raynaud, Raymond Devos ou Guy Bedos. On les sait par coeur.

Mais c’est un genre qui n’est pas abîmé par les redites. Au contraire. Il y a là quelque chose de la soumission des enfants à la répétition. A peine en avez-vous terminé avec une histoire, que vous entendez : « Encore ! »

Et bien, dans la petite salle du Rond-Point, voici l’histoire de l’huissier qui rend visite à Roland Topor alors qu’il travaille avec Jean-Michel Ribes à leurs désopilantes « Batailles ». Et le voici qui s’incruste ce Monsieur Bellamy…La suite ? Vous la connaissez et vous riez d’avance, ou bien…

Assis derrière une petite table sur laquelle il a posé son célèbre feutre, le directeur du Rond-Point demeure impassible -presque, le soir où nous y étions, hier, il n’a pu réprimer un sourire sur une étourderie de sa merveilleuse partenaire.

Entouré de ses deux partenaires, à gauche sur la photo, Marie-Christine Orry, à droite, Manon Chircen. DR/Théâtre du Rond-Point.

Ils sont deux, en effet. Ces jours-ci, c’est la grande et précise Manon Chircen qui accompagne l’auteur ! Elle-même écrit. Elle est d’autant plus sensible aux folies de ces textes, ces bonbons déguisés, ces brèves de comptoir développées -quelquefois, en effet, on parle de choses vues et l’on a un tel sentiment de vérité que l’on peut tout croire, même à un narrateur nu sur un toit, à Maubert-Mutualité…

Jean-Michel Ribes n’a pas choisi la plus petite salle du théâtre qu’il dirige depuis vingt ans, par goût du retrait : tout le hall de ce cirque, qui fut une patinoire, est empli de reproductions de déclarations, de Jack Lang à Valérie-Anne Expert, de la SACD, tout le monde y va de ses lignes d’admiration. « C’est quoi le Rond-Point de Jean-Michel Ribes, pour vous ? « , a-t-on sans doute demandé aux personnes sollicitées.

Certaines sont assez âgées pour avoir vu la compagnie Renaud-Barrault expulsée de la gare d’Orsay, certains ont vu l’inlassable Jean-Louis Barrault repartir comme un jeune homme dans ce lieu pas vraiment fait pour le théâtre. « De Marigny au Rond-Point, on aura mis 40 ans à traverser l’avenue », disait-il, malicieux.

Revenons au présent. Les textes de l’écrivain Ribes tiennent bien le coup. Il n’a jamais été un homme insouciant. Il a été léger. Insolent. La cascade des textes, souvent des échanges à deux voix, plus un narrateur « off », l’excellentissime Luc-Antoine Diquéro, sont épatants. Féroces, terribles. Irrésistibles.

Manon Chicen est excellente, car, restons des enfants, elle met le ton, elle joue toutes les notes. Elle est convaincue, convaincante. Formidable. Et Jean-Michel Ribes, c’est Jean-Michel Ribes : un jongleur mélancolique.

On pourrait revenir : « Encore !« . Mais aussi pour Marie-Christine Orry, interprète de haut vol !

Théâtre du Rond-Point, salle Roland-Topor, Manon Chircen jusqu’au 3 et les 13, 14, 15 décembre. Marie-Christine Orry, du 6 au 11 décembre, et les 16, 17, 18 décembre. Jusqu’au 18 décembre. A 20h30 du mardi au samedi, dimanche à 15h30. Durée 1h15. Tél : 01 44 95 98 21. A l’issue de la représentation, vous pouvez retrouver Jean-Michel Ribes et ses textes à la Librairie du Rond-Point, nouvellement reprise par une équipe d’excellence d’éditeurs et libraires.