Roger Louret, l’éternel baladin

Il avait illuminé les années 80-90 par sa fougue de jeune homme créant, à Monclar, en Agenais, une compagnie fertile qui a vu passer des personnalités très fortes. Cet esprit entreprenant était passé d’espaces modestes aux plus grandes scènes parisiennes, sans perdre sa foi, son humanité. Il s’est éteint mercredi des suites d’une cruelle maladie. Il avait 72 ans.

Les Baladins en Agenais. Un nom qui fait rêver. Un nom de jeunes lorsque la compagnie surgit en 1973. Mais Roger Louret, plutôt metteur en scène, et son frère, Guy Louret, plutôt comédien, avaient déjà lancé les bases d’un travail de troupe, innovateur et valeureux, loin des poncifs dominants de l’époque. Des garçons libres, très marqués par la très forte personnalité de leur mère, Huguette Pommier, qui s’était éteinte durant l’été 1994. Cela se passait à Monclar. Et on ne l’oublie pas.

Les Baladins en Agenais, c’est la jeunesse de Muriel Robin et celle de Jean-Marc Dumontet, celle de Fabienne Pascaud qui les connaissait bien et les a toujours soutenus. Cinquante ans de théâtre. Les très jeunes sont devenus des personnalités affirmées, dans le bel âge des esprits qui ont beau connaître le succès, ne cessent jamais de se remettre en cause. Et qui sont là pour témoigner du formidable chemin frayé par les garçons de Monclar, dans le paysage de la création du spectacle vivant.

Roger, qui aurait eu 73 ans le 20 mai prochain, était un jeune homme qui aurait pu connaître l’« emploi » de jeune premier, de longues années durant. Beau visage, cheveux sombres, regard intense, friselis d’un accent qu’il savait effacer, il avait tôt préféré élaborer, construire. Il avait l’âme d’un bâtisseur.

Danseur, musicien, il aura mis tous ses dons, toutes ses connaissances au service de créations exigeantes et accessibles. Avec lui, l’antiquité –il avait mis en scène Euripide- comme l’âge classique de Corneille à Molière ou encore, un peu plus tard, Goldoni et Marivaux, jusqu’aux comédies plus proches, mais un peu négligées, telle L’Arlésienne d’Alphonse Daudet, l’un des derniers rôles de Jean Marais, en 1997, sont des territoires de partage avec sa troupe, ses troupes !

Il trouve, avec son frère, un filon d’excellence : « Les Années XXX ». Tous deux se débrouillent pour que les extraits des chansons, des « tubes » pour la plupart, ne conduisent pas à des droits d’auteur faramineux. Les Années twist, les Années 80, notamment, enchantent. Un million de spectateurs et neuf nominations aux « molières » pour les Années twist.

Mine de rien, ils ont employé des dizaines d’artistes et préparé la société française à aimer la comédie musicale.

Quant à leurs proches, Muriel Robin, donc, et Jean-Marc Dumontet, déjà cités, mais évidemment Pierre Palmade, Guy Bedos, Nicolas Briançon, Benoît Solès, et tous celles et ceux qui ont été jusqu’à Monclar, berceau des Louret, ou ont été produits par eux ou ont joué avec eux, ici et là, toutes et tous pleurent un grand frère merveilleusement soucieux du talent des autres, merveilleusement modeste. Un vrai grand chef, un homme de théâtre, très noble et généreux.