Souchon, ce poète

Plus de quinze chansons délicatement portées par six comédiennes et trois remarquables musiciens. Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, dans la lumière d’Apollinaire et de Ronsard, on prend la mesure d’une très belle écriture.

Il y a du monde sur le plateau. Comme jamais, peut-être au Studio-Théâtre de la Comédie-Française. Trois musiciens, la merveilleuse Florence Hennequin au violoncelle, Yannick Deborne aux guitares, Mathieu Serradel, au piano et aux claviers. Ces trois-là sont essentiels. Et Yannick Deborne signe les arrangements et la direction musicale.  Et six comédiennes !

Qui dit Alain Souchon dit Laurent Voulzy. Mais c’est tellement évident qu’un spectacle qui s’intitule La Ballade de Souchon, oublie dans la distribution de préciser « auteur, Alain Souchon », « compositeur, Laurent Voulzy ».  

Danièle Lebrun, idéale dans la délicatesse. Derrière elle, Yannick Deborne. Photographie Brigitte Enguerand/Collection Comédie-Française. DR.

C’est qu’une chanson appartient à tout le monde, à chacun, sans doute. Qu’une chanson passe à la radio et que plus jamais ces chansons ne sont annoncées ou désannoncées ainsi que c’était la règle autrefois. On écoute, on retient. Mais pas tout, en général. On chantonne. On a des airs dans la tête, des refrains, des bouts de phrases, des formules… Et cela suffit.

Les artisanes de ce spectacle ne sont pas seulement des amoureuses de la chanson. Elles connaissent leur Souchon par le bout du cœur et elles ont travaillé intelligemment.

Dans La Ballade de Souchon et bien sûr, le titre est comme un titre de chanson, Françoise Gillard, Sociétaire de la Comédie-Française, et Amélie Wendling, qui n’appartient pas à la Troupe, mais la connaît bien, ont réuni une quinzaine de textes et de très belles compositions de l’ami Voulzy, traçant un portrait ressemblant et inattendu parfois de leur héros. Des extraits filmés, certains anciens, vous amuseront…

Toute la belle bande, avec les musiciens et la musicienne à l’arrière. Photographie de Brigitte Enguerand. Collection Comédie-Française. DR. Françoise Gillard est à droite, en robe-pull.

Françoise Gillard signe la mise en scène, mais joue avec ses camarades. Avec elle, Coraly Zahonero, Danièle Lebrun, Claire de La Rüe du Can. Il y a aussi deux autres belles personnes, Yasmine Haller, qui appartient à l’Académie et Emma Laristan, qui était à l’Académie la saison dernière. Deux très fortes personnalités qui ont déjà des parcours remarquables.

Il y a quelque chose de délié dans la manière dont Françoise Gillard dirige ces femmes douées. Elles se déplacent avec grâce (la metteuse en scène a toujours la danse en tête) et semblent nous avoir invités chez l’une d’elle. Mais rien de distendu dans ce travail : tout est réglé au cordeau et les chansons s’harmonisent bien avec les personnalités de chacune. Les musiciens, on l’a dit, sont parfaitement intégrés au jeu, jusqu’à chanter, parfois.

Une petite forme, pourrait-on croire, puisque c’est donné au Studio et que le spectacle ne dure qu’une heure. Mais quel grand travail ! Son, lumières, costumes, chorégraphie, travail vocal, arrangements, direction musicale, couleurs données aux différentes chansons, tout enchante.

C’est dans l’écrin précieux des références poétiques d’Alain Souchon lui-même que Françoise Gillard et Amélie Wendling inscrivent cette « ballade » qui est aussi une balade, une promenade dans la Douce France de ces cinquante –mais oui, cinquante- dernières années. Cela commence par Apollinaire et se clôt sur Ronsard. On peut avoir plus médiocres références.

De gauche à droite, Emma Laristan, Yasmine Haller, Coraly Zahonero, Claire de La Rüe du Camp. Photographie de Brigitte Enguerand. Collection Comédie-Française. DR.

Pour le reste, évidemment, les choix ont été difficiles. Mais on a le sentiment d’un accord profond entre les interprètes et les chansons qu’elles défendent. Seules et parfois, tout le monde s’y met : le public est ravi. L’infinie délicatesse de Danièle Lebrun, la belle flamboyance de Coraly Zahonero, la finesse de Claire de La Rüe du Can, le charme profond de Françoise Gillard, le rayonnement juvénile d’Emma Laristan, la forte présence, le talent puissant de Yasmine Haller –un très beau physique et une voix magnifique- tout est fait pour le plaisir d’un partage heureux.

Ce qui nous est offert est, en écoutant les mots d’Alain Souchon, dans un autre contexte que ses propres récitals, ou ses disques, ou la radio, de prendre la mesure de la qualité profonde et originale de son écriture. Comme jamais.

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18h30 du mercredi au dimanche. Durée : 1h00. Jusqu’au 5 mars. Réservations : www.comedie-francaise.fr