Tran To Nga, femme de combat

Marine Bachelot Nguyen signe une transcription scénique remarquablement puissante de la vie de cette Vietnamienne née en 1942 et qui se bat aujourd’hui encore pour que les firmes fabriquant des poisons chimiques qui détruisirent, lors de la guerre avec les Etats-Unis, la nature, les êtres humains, la flore et la faune, soient punis.

On peut avoir lu des articles, vu des reportages, visionné des documentaires, suivi l’actualité, on peut connaître la vie et les combats de Tran To Nga, on a le sentiment, en écoutant Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné, en regardant les images du montage vidéo de Julie Pareau, de tout découvrir avec encore plus de force, de puissance.

Marine Bachelot Nguyen est une artiste remarquable. Elle a lu en 2019 le livre de Tran To Nga, Ma terre empoisonnée. Elle était alors elle-même plongée dans l’histoire du Viêtnam, composant Capitales (mémoires familiales France-Viêtnam-Russie).

Femme d’écriture, metteuse en scène délicate, elle nous offre avec Nos corps empoisonnés une transcription bouleversante de la vie et des combats de Tran To Nga, qui, dans son livre, Ma terre empoisonnée (Stock), retrace la vie de sa mère, personnalité exceptionnelle, disparue pendant la guerre et dont elle retrouvera la dépouille, des années plus tard.

Tout est déchirant dans ces vies, ces destins cruels, tout est admirable dans la force d’âme, de caractère, la résistance intellectuelle, morale, et physique des êtres évoqués dans le livre et repris ici par la voix de la douce et idéale Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné. Elle se déplace sur un étroit plateau fermé au fond par un grand écran sur lequel sont diffusées des images réunies et montées par Julie Pareau qui signe également cette scénographie. A la fin, l’interprète allume des lampes au pied de la scène…Création lumières d’Alice Gill-Kahn, son de Pierre Marais.

Images d’archives, mais aussi images du visage doux et bon, regard lumineux, de Tran To Nga, interviewée spécialement pour ce projet. Elle parle un français parfait. Elle évoque le procès de janvier 2021 au Tribunal d’Evry. Quatorze avocats, représentants des multinationales impliquée, forment un mur de mauvaise foi. Tran To Nga a alors 79 ans. C’est par son courage, sa détermination, son abnégation également, car c’est sa vie qui passe dans cette bataille inouïe, qu’ont été ravivés jusqu’au coeur de la justice, ces crimes. Et le combat se poursuit.

Marine Bachelot-Nguyen a composé un texte ferme, fluide, clair, précis. La force première du « spectacle » est dans cette écriture, son développement, ses manières d’inclure tous les temps de la vie de la narratrice et de sa mère, cette héroïne.

L’interprète, aussi mobile qu’impeccable est d’une sensibilité subtile. Voix convaincante, nuancée, elle nous prend à témoin. On est happé par le récit. Angélica Kiyomi Tisseyre-Sékiné est parfaite.

Quelques paroles inspirées du procès sont incluses, mais elles sont réinterprétées. C’est l’esprit et non la lettre de ce qui fut dit en 2021. Pour le reste, tout est vrai. Le théâtre est-il jamais aussi fort que lorsqu’il offre à la réalité cet éclairage ?                                                                                                                                                       

Les Plateaux sauvages, jusqu’au 25 mars. A 20h00 jusqu’à vendredi, à 17h30 samedi. Puis à Paris 3-Sorbonne Nouvelle le 6 avril, et en tournée à Guingamp, Rennes, Lorient, avant Avignon du 7 au 24 juillet, Théâtre La Manufacture.

Durée : 1h25.

www.lesplateauxsauvages.fr

En vente au théâtre, le livre de Tran To Nga, Ma terre empoisonnée, Stock, 2016, 19,50€.