Elle avait de l’esprit, une lucidité profonde, un savoir très large. Mais elle ne concevait son métier de critique de cinéma que comme une manière d’élargir toujours plus le cercle des amateurs. Elle s’est éteinte hier, le 25 juillet 2019.
Digne et pudique, elle aura, jusqu’à ses derniers jours, célébré l’art, les artistes, le cinéma. Au micro du « Masque et la Plume », elle défendait bec et ongles les films qu’elle aimait. Et lorsqu’elle était moins convaincue, elle mettait son esprit au service d’une distance amusée qui disait sa tendresse profonde pour ceux qui entreprennent.
Elle ne se mettait en colère que lorsqu’elle était face à trop de puissance stérile
Danièle Heymann, journaliste culturelle, spécialiste du cinéma, s’est éteinte le 25 juillet 2019, des suites d’une maladie contre laquelle elle aura lutté avec une force morale profonde.
Elle avait eu 86 ans le 16 mai dernier. Née en 1933, elle avait baigné dès son enfance dans le monde du septième art : son père, Claude Heymann (1907-1994), était un scénariste et cinéaste très intéressant. Dans certains documentaires, Danièle Heymann a parlé de cet homme lumineux et très actif avec tendresse et admiration. Il apparaît dans Tirez sur le pianiste, de François Truffaut : il y est Lars Schmeel, l’impresario.
La chanson a également tenu une place très importante dans sa vie, puisqu’elle épouse Jean Bertola (1922-1989). Auteur-compositeur, interprète à la très belle voix, pianiste –il fut d’ailleurs l’accompagnateur de Charles Aznavour, le musicien de Tirez sur le pianiste
Il fut surtout l’ami, le confident, le secrétaire de Georges Brassens. Danièle Heymann aimait se souvenir de ce temps et elle a souvent témoigné dans des films consacrés à l’artiste disparu en 1981. Jean Bertola avait renoncé à sa carrière personnelle pour devenir directeur artistique chez Polydor. Plus tard, il veilla sur la postérité des chansons de Brassens et développa des titres laissés inachevés.
Danièle Heymann, cependant, était devenue une journaliste très importante. Elle avait débuté à France-Soir, puis poursuivit son chemin à l’Express, et au Monde. Elle dirigea le service culture du quotidien, tout en continuant de se consacrer à sa passion des films.
De 1977 à 2006, elle avait été également responsable de « L’Année du cinéma », qu’elle rédigeait avec Pierre Murat et Alain Lacombe.
Ces dernières années, elle avait écrit pour Marianne et pour le site Bande à part.
En 1987, elle avait été appelée à siéger au jury du festival de Cannes sous la présidence d’Yves Montand. Ce fut l’année où Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat d’après Georges Bernanos, obtint la Palme d’or. A l’unanimité et Danièle Heymann n’y fut pas pour rien, comme elle l’a raconté… Gilles Jacob lui a rendu un très bel hommage dès hier.
Mais, évidemment, par-delà ses écrits, ses responsabilités, Danièle Heymann est pour de nombreux cinéphiles et auditeurs de France Inter, une des voix du Masque et la Plume. Trente ans de présence spirituelle et joyeuse. Trente ans d’amour de la dispute, de complicité avec Jérôme Garcin et les critiques de cinéma de cette tribune. Trente d’éloquence enjouée et souvent d’espièglerie. Elle était jeune, Danièle. Elle avait une voix jeune, une silhouette fine, et ses cheveux blancs et courts encadraient un visage ouvert avec un regard profond et bienveillant derrière ses lunettes à fines montures. Elle était rieuse et très amicale pour ses jeunes confrères et consoeurs.
En 2014, elle avait reçu le prix Bernard-Chardère de l’Institut Lumière, prix qui distingue une personnalité « pour sa contribution au métier de journaliste et critique de cinéma, et pour sa cinéphilie, son style, sa curiosité et son humour ». On ne saurait mieux correspondre… Danièle Heymann était également officier du mérite.
On pense à sa famille, à tous ceux et celles qui l’aimaient et l’avait prise comme modèle. Danièle Heymann avait consacré toutes ses forces vives aux siens et à la défense d’un cinéma « élitaire pour tous ». Une journaliste pure.