Stéphanie Tesson met en scène Jean-Paul Bordes et Christophe Barbier, qui signe l’adaptation, dans les magnifiques textes de Victor Hugo.
Rassemblés après sa mort, les textes très différents qui composent les Choses vues de Victor Hugo, sont une source constante d’émerveillement et de réflexion. De plaisir.
Il regarde. Il note. Sur des feuilles volantes, des carnets, un peu partout. Il n’en fait pas un journal, mais ces instantanés sont d’une lecture d’autant plus fascinante que Victor Hugo traverse le siècle et fait ainsi, au jour le jour, l’analyse brillante, profonde, sensible du XIXème siècle.
Ces « souvenirs, journaux, cahiers » de 1830 à 1885 que l’on peut découvrir notamment dans une édition publiée à l’occasion du bicentenaire de l’écrivain, en 2002 (Quarto/Gallimard, 25€), édition établie par Hubert Juin, sont une source inépuisable de réflexion et de bonheur de lecture.
C’est une très bonne idée que d’en faire un spectacle, léger, harmonieux, très touchant et qui vous fera passer par des émotions très différentes, à nouer le cœur, à sourire, à rire. Et à admirer la vie telle que la saisit ce génie de Victor Hugo.
Christophe Barbier a puisé dans ces pages nombreuse (1700 dans l’édition Quarto !) et composé la matière d’une jolie soirée, construite selon une logique thématique, qui s’ouvre sur des considérations qui concernent le théâtre…En mai 1841, l’écrivain passe rue de Chartres, devant l’emplacement où, deux ans plus tôt, a brûlé le Théâtre du Vaudeville. Un terrain vague derrière une palissade. Et le voici se plongeant dans une méditation sur un peu d’herbe et une pâquerette, ayant poussé là…
On finira avec des notes de 1882. Il entend des bruits, dans sa chambre, dans la nuit du 1er au 2 novembre. Il en a l’habitude. Ce sont ses fantômes. Il ne les craint pas. Ce grand esprit visionnaire l’écrit : « Comme il est certain que notre terre n’est pas le monde et comme il y a certainement des communications entre les créations, je me tais et je m’incline. »
Né en 1802, il mourra 3 ans plus tard, adoré par le peuple.
Dans la salle du bas du Théâtre de Poche-Montparnasse, le décor est constitué de panneaux reproduisant des dessins, des encres, des pages d’écriture de Victor Hugo. Au centre, une sorte de tableau, sur lequel on écrit parfois et qui sera aussi un support d’image forte. Un décor imaginé et peint par Marguerite Danguy Des Déserts, assistée de Jeremy Haliot, dans des lumières de François Loiseau. Costumes sombres, chapeaux, pour les des deux protagonistes par Corinne Rossi, entre Hugo au travail et des employés, des ouvriers. On peut tout projeter sur ces costumes. On est seuls face aux paroles, ainsi.
Une bande son accompagne la représentation. Le Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach interprété par Chantal Stigliani. C’est parfait.
Assistée d’Emilie Chevrillon, Stéphanie Tesson dirige deux excellents interprètes, fins et déliés. Christophe Barbier, qui a donc opéré les choix et le montage, très intéressant, très pertinent, divers mais cohérent, est un comédien dont on devine toujours le bonheur à jouer et un engagement très sérieux, car, on le sait, il est aussi journaliste. Et c’est un Hugo très journaliste, très bon et exigeant journaliste, qui s’exprime dans ces pages.
Face à lui, très sensible, avec un regard très magnétique et une voix bien timbrée, harmonieuse, particulière, Jean-Paul Bordes fait lui aussi son miel de cette matière chatoyante et forte qu’est la langue magnifique, la pensée audacieuse et généreuse de Victor Hugo.
La metteuse en scène a su trouver les justes mouvements, les rythmes, les moments d’esprit, de sourire, de rire, et les moments graves. Les moments de présence de l’un à l’autre et les moments de solitude, face au public, inclus dans la représentation, dans la proximité
Un moment d’autant plus précieux que ces pages de Victor Hugo nous éclairent sur notre temps même.
Théâtre de Poche-Montparnasse, à 21h00 du mardi au vendredi. Durée : 1h30. Tél : 01 45 44 50 21. Le texte de l’adaptation de Christophe Barbier est publié par L’Avant-scène théâtre, collection Les Quatre Vents (10€). Le disque de Chantal Stigliani est publié par Calliope, distribution Indesens.