Son personnage de Grand-Père Schlomo a fait rire des générations. Mais cet être aux talents pluriels a d’abord été un homme de convictions, engagé, libre, modeste.
On a vu l’annonce dans le carnet du jour il y a plusieurs jours. On a su que Grand-Père Schlomo n’était plus. Que Lionel Rocheman, né le 18 juin 1928 à Paris, s’était envolé le 30 juillet. On n’a pas écrit tout de suite.
On s’est souvenu des rires, des histoires, des chansons. On s’est souvenu de ce grand monsieur très modeste et accessible, cet homme extraordinaire qui n’entrait dans aucune case car s’il avait échappé à un destin funeste, sa vie fut placée sous les signes de l’effervescence artistique et de la générosité profonde.
Il aimait les autres plus que lui-même. Il savait tout faire : écrire, conter, chanter, jouer la musique et jouer au théâtre…
Mais le mot qui lui allait le mieux était « résistance ». Résistant pendant la guerre, mais résistant sa vie durant. Parmi les hommages, parmi les messages et le carnet du jour, il y a celui de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France, il y a Beate et Serge Klarsfeld.
Ce « compagnon de la première heure » avait seize ans à peine lorsqu’il s’était engagé dans le maquis de Corrèze. Et sa vie durant, il aura témoigné. Par ses livres, ses spectacles, ses interventions, sa manière d’être et de partager.
Et de capter l’air du temps. Car, bien par-delà son cher Schlomo et son accent yiddish, ce si touchant personnage né en 1977 à la Vieille Grille et qui arpenta bien des scènes, Lionel Rocheman qui avait fait trente-six métiers après son baccalauréat (de typographe à tailleur) sut trouver ses voies, ses voix.
Il comprit avant tout le monde que la vague folk venue des Etats-Unis charriait belles poésies et fortes personnalités. Il se mit au « hootenanny » et se produisit avec ses amis au Centre Américain, dans le beau bâtiment blanc et les jardins, boulevard Raspail. C’est la Fondation Cartier aujourd’hui et il faut un certain âge pour ce souvenir de ce havre de création plurielle.
Lionel Rocheman rencontra un jour Pierre Dac. Un maître. Un grand résistant et un esprit fin qui avait décidé qu’il valait mieux rire, faire rire.
Il le raconta dans ses livres de souvenirs : La Belle Age ou les Douceurs de la guerre en 1984, La Tendresse du rire en 2005, notamment.
On le vit au théâtre : auprès de Marie-José Nat et Victor Lanoux dans Voisin, voisine dans les velours et les ors du Palais-Royal et aussi à Chaillot lorsque Jérôme Savary monta Cabaret avec la merveilleuse Ute Lemper.
Il y a ses disques, ses livres, certainement sur internet des extraits de ses spectacles. Découvrez-le si vous ne le connaissez pas. C’est un être humain rare et partageur !