Le destin a voulu que l’écrivain, dramaturge et scénariste, s’éteigne prématurément, vaincu par la maladie. Salut à un artiste discret, aimé de ses camarades d’écriture et des interprètes de ses pièces nombreuses.
Pour Richard Berry, pour Jean-Luc Moreau, pour Daniel Auteuil, c’était un frère. Un camarade de travail. Un homme de partage, souvent dans l’enfermement de la création solitaire, mais adorant travailler à plusieurs mains, pour des scénarios, des comédies.
Il avait forgé un art singulier et il maîtrisait des mystères et des ellipses à la Harold Pinter, comme des formules éclaboussantes à la Jean Poiret. Il était très profond et très drôle. Il avait devant lui des années de travail et de réussite. Mais il s’est éteint le 12 octobre, à 64 ans.
Il était né le 30 mars 1956 à Tunis. Dix jours après l’indépendance du pays, sous protectorat français, jusqu’alors.
On ne l’a jamais connu qu’au travail. Concentré, redoutant les mondanités que ses succès appelaient. Des années 90 à ces dernières saisons, ses pièces ont connu de très jolies traductions scéniques et il s’est forgé d’indéfectibles amitiés. Avant les planches, il avait été l’auteur très prolifique de dramatiques radiophoniques. Il avait un don pour ficeler des situations assez drôles, cocasses, cruelles et un talent brillant, d’apparence facile, pour des dialogues vifs, ambigus, d’une efficacité délicieuse.
Le public l’aimait, le plébiscitait. La profession reconnaissait son importance. Par deux fois, il avait reçu le molière de l’auteur francophone vivant. En 2010 pour L’Illusion conjugale et en 2015 pour On ne se mentira jamais ! Deux des nombreuses mises en scène de Jean-Luc Moreau qui adorait et l’homme et son univers.
Entretemps, il avait reçu, en 2014, le grand prix du théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre dramatique.
Il a lui-même tourné quelques films, mais préférait de beaucoup écrire de compagnie, avec Philippe Harel et Richard Berry, surtout. Mais aussi Jean Becker ou Frédéric Berthe, Alexandre Arcady.
Alain Delon, qui avait créé avec Astrid Veillon ses Montagnes russes, l’avait sollicité pour qu’il lui écrive une pièce qu’il allait jouer avec sa fille Anouchka. Et ce fut Une journée ordinaire.
Au Théâtre, de Sans mentir comédie composée avec Bernard Menez en 1992, jusqu’à Nos femmes en 2013, L’Heureux élu en 2016, La Nouvelle en 2017, Paris n’a pas connu de saison sans une création d’Eric Assous. Des dizaines. Comme autant de variations sur le couple, des figures convenues d’apparence mais souvent elles renversaient l’ordre attendu. C’est en cela qu’il était bien plus proche d’un Pinter que d’un vaudevilliste contemporain. Il ne détestait pas le doux venin des relations amoureuses ou amicales, dans ses pièces. Mais il ne s’empêtrait jamais dans de lourdes considérations psychologiques. Il pratiquait l’ellipse, il y avait un maître des mystères et des contradictions du coeur de l’homme, en lui.
Mais on riait. Il n’aurait pas aimé être pesant. Le moraliste acide qui palpitait en lui, ne voulait de mal à personne. Il savait que divertir est une haute mission. Tout un art.
En novembre prochain, on applaudira, sur la scène de la Comédie des Champs-Elysées, une nouvelle mise en scène, avec Fanny Cottençon, Michel Leeb, Arthur Fenwick de L’Inavouable. Une manière de le saluer.