Ceux qui ont eu la chance de le connaître ne pouvaient que l’admirer. Le Sociétaire de la Comédie-Française s’est inspiré d’un entretien de l’homme de culture avec Karelle Ménine.
Il s’est éteint le 12 novembre, il y a trois ans. Un dimanche après-midi, et la triste nouvelle s’est répandue en pleine matinée dans les théâtres. Il y avait un certain temps qu’on ne le croisait pas dans les salles. Il n’était pas venu à Avignon l’été précédent. Il était fatigué.
En 1981, après la victoire de l’union de la gauche, tout le monde l’attendait rue de Valois : il ne fut pas ministre de la Culture –ce fut l’hyper légitime et actif Jack Lang- mais, lorsque les observateurs se demandaient quelles personnalités politiques du Parti Communiste (PC) pouvaient figurer dans le gouvernement après l’élection de François Mitterrand, il paraissait probable. Mais c’est le portefeuille de la santé qui lui échut.
Il n’en demeura pas moins un référent essentiel des discussions culturelles de cette époque et très longtemps encore, jusqu’à ses derniers mois, car, même fatigué, il ne lâcha jamais le fil de l’actualité. On ne fera pas ici son parcours, de Châlons-en-Champagne au Sénat, en passant par Aubervilliers, sa ville tant aimée.
Il était épris de beauté, d’art, de théâtre en particulier. Proche d’Aragon, ami d’Antoine Vitez, il possédait par cœur des poèmes, des citations, il se référait à eux sans cesse. La poésie en lui était une source vive. Un peu comme Christiane Taubira qui appuie toujours ses raisonnements sur ses lectures et sa mémoire fertile.
C’est cet homme-là, un homme bon, un homme profondément bon, et courageux intellectuellement, que célèbre Christian Gonon, Sociétaire de la Comédie-Française, dans le cadre des « Singulis ». Cadre de scène vide, une table, une chaise, une lampe.
Pas d’autre décor que ces rares éléments et les lumières de Philippe Lagrue, les compositions originales de Jérôme Destours. Sous le regard d’Alain Lenglet, camarade du Français, Christian Gonon qui s’appuie sur le livre de Karelle Ménine, des entretiens avec Jack Ralite publiés par Les Solitaires intempestifs, ne cherche en rien, évidemment, à ressembler à Jack Ralite, toujours très élégant, avec souvent une écharpe. Pas souvent des sandales, même en plein cagnard avignonnais.
Maire d’Aubervilliers, veilleur avisé du Théâtre de la Commune, du Théâtre équestre Zingaro, ne cachant pas ses déceptions, plus tard, parfois jusqu’aux larmes, il avait réussi à organiser des leçons données par les professeurs du Collège de France, à Aubervilliers. Pour des gens simples, enchantés de l’honneur et de la belle parole des intervenants.
Avec finesse, discrétion, conviction, Christian Gonon nous offre, avec l’adaptation de La Pensée, la Poésie et le Politique (Dialogue avec Jack Ralite), une très belle occasion de théâtre et de pensée. D’émotion également.
Studio-Théâtre de la Comédie-Française, jusqu’au 31 octobre. A 18h30. Tél : 01 44 58 15 15. Durée : 1h10.