Vingt-cinq ans après l’avoir créé, Cécile Garcia Fogel reprend dans une autre géométrie le spectacle qui l’avait révélée, Trézène Mélodies.
Présenté trois fois de suite au Théâtre 14, Trézène Mélodies est un spectacle pensé par la jeune Cécile Garcia Fogel. La première version était née il y a vingt-cinq ans, des Treize Vents à la Bastille. Sortie du Conservatoire quatre ans plus tôt, élève de Catherine Hiegel, Stuart Seide, Jean-Pierre Vincent (elle allait ensuite travailler sous leur direction), Cécile Garcia Fogel, férue de musique, chanteuse déjà très douée, sensible à des univers du sud, flamenco, humeurs arabo-andalouses, mais aussi au jazz, avait composé elle-même la musique. Elle sous-titrait Trézène Mélodies en une formule simple, L’Histoire de Phèdre en chansons.
Dans la première version, qui lui valut la reconnaissance du public et de la profession –elle obtint en 1997, le prix de la révélation du Syndicat de la critique- ils étaient sept interprètes.
On la connaissait, elle avait été Margaret dans Henry VI de Shakespeare, dès 1993 et dans la cour d’Honneur, un spectacle signé Stuart Seide. Plus tard, elle allait incarner la Phèdre de Racine, une mise en scène de Christophe Rauck avec qui elle a suivi un beau chemin, et Iphigénie, dans Iphigénie en Tauride de Goethe, mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Deux passages importants. Mais Cécile Garcia Fogel n’a jamais longtemps quitté les plateaux et s’est frottée à des répertoires exigeants, est aussi une metteuse en scène très intéressante et une pédagogue appréciée.
Cette nouvelle version de Trézène Mélodies est vive, légère et grave, dessinée d’un trait sûr et donnée avec deux partenaires excellents, Mélanie Menu, comédienne et chanteuse, Ivan Quintero, musicien et chanteur, ici à la guitare.
Dans une belle scénographie, espace dégagé, chaises de paille, style église, peu d’objets, d’éléments scéniques, mais tous éloquents, les trois interprètes se partagent des partitions extraites de Phèdre de Jean Racine et de poèmes de Yannis Ritsos, Phèdre et Le Mur dans le miroir.
Cette scénographie de Caroline Mexme, qui signe également les costumes, dans des lumières d’Olivier Oudiou, donne un cadre idéal à ce que Cécile Garcia Fogel voit désormais comme un oratorio. Elle dit, dans le texte de présentation, combien le rebetiko l’a influencée, et l’on peut en deviner quelques éclats.
Cécile Garcia Fogel ne prétend pas à une composition très structurée. Il a y un côté chantonné, une couleur de ritournelle, d’autant mieux assumés qu’elle possède un très beau timbre chanté, et qu’elle maîtrise excellemment l’art de la voix et que ses deux partenaires sont également maîtres de leur art, séduisants et personnels.
Cécile Garcia Fogel, fine, brune aux cheveux courts et au teint doux et mat, inchangée depuis ses débuts, en fait, excelle dans la manière dont elle laisse sourdre images lumineuses et sombres, élans tragiques. Mélanie Menu, grande jeune femme au teint clair, visage plein, voix harmonieuse est parfaite. La présence et la musicalité puissante et délicate à la fois d’Ivan Quintero, sont idéales.
On écoute Racine que l’on connaît par cœur, on redécouvre Ritsos, si important dans l’éclairage des mythes et personnages de la Grèce ancienne dont il fait des contemporains.
Un très beau moment, simple et touchant.
Théâtre 14, les 10, 11, 12 mars. Production du Théâtre du Nord/Centre dramatique national Lille-Tourcoing. Reprise attendue.