Dans la salle de répétition du Théâtre du Soleil, elle nous emmène en voyage dans le monde du cirque, avec ses férocités et sa poésie de paillettes et d’envols. « Céleste » est une merveille de spectacle.
Toutes les magies s’épousent dans ce spectacle unique, d’une beauté et d’une profondeur sensible extraordinaires. Céleste, il s’intitule simplement Céleste. Comme un prénom et comme un appel du ciel.
Il y aurait beaucoup à raconter, à analyser dans ce voyage au pays du cirque, sublimé par sa métamorphose théâtrale. Mais autant vous dire de courir immédiatement à la Cartoucherie pour pénétrer dans ce royaume enchanté duquel on sort heureux et triste à la fois, car il faut abandonner ce monde de l’imagination et du rêve.
On doit ce moment à part à une artiste magistrale aux fragilités de petite fille, Geneviève de Kermabon. Elle s’est beaucoup battue pour produire Céleste, mais elle n’a rien perdu de son énergie ni de sa poésie, de sa grâce.
Avec sa chevelure rousse, son visage aux pommettes hautes, son regard vif, son sourire aux dents de la chance ou du bonheur, sa stature d’adolescente, sa finesse déliée, tout en muscles longs et doux, elle est d’une éternelle jeunesse.
Elle est l’une des personnalités les plus originales du monde du spectacle vivant. La fée des trapèzes et des audaces, celle que Federico Fellini aimait et qui fut touché, comme le fut Giulietta Masina, par cette gamine venue de la piste et qui adapta La Strada en 1980.
Elle a appris chez les Grüss, et rue Blanche : un pied au cirque, un pied au théâtre. Le cancan au Moulin Rouge, l’acrobatie chez Krone. Son grand coup d’éclat sera l’adaptation du film Freaks. Peter Brook l’admire…
C’était en 87. Depuis, elle a joué, monté des spectacles, galéré, recueilli des paroles de femmes, porté ces paroles sur scène. Rien n’a émoussé son courage et son intelligence.
Dans Céleste, elle retrouve Laurence Forbin, une poète qui dessine, imagine, colorie, donne naissance à des animaux et des objets fantasmagoriques, toute une ménagerie qu’a fait naître Olivier Sion, délicat et maître en menuiserie, mécanique, rêve. Un bestiaire fabuleux qui fascine.
Toute l’équipe est magistrale : Stéphane Leach et Pierre Ragu pour la musique, Célio Ménard pour la lumière et la régie. Vidéo, images de lanterne magique, projections sur un rideau en lamelles.
Dans sa combinaison de travail, bleue à étoiles d’or, la jeune assistante de la représentation est merveilleuse –on n’a pas son nom, ici, pardon. Elle veille aux mouvements et apparitions. Elle est une véritable partenaire.
En scène, Céleste, Geneviève de Kermabon, et ses camarades. Un jeune acrobate, Simon Martin, beau et précis, doué, et le grand et irrésistible Joe Sheridan, le plus français des artistes britanniques de la scène. Il sait tout faire et ici, il offre sa spirituelle présence au personnage du « dresseur redoutable ». Il est épatant et il parvient à être bouleversant dans des scènes même cocasses.
Céleste raconte sa formation. Se souvient de quelques-uns de ses « oncles », ceux qui l’ont jetée sur la piste, et l’ont soumise à la terrible discipline…Il y a aussi celui qui est gentil…Son portrait s’anime, parle. Chante et ici c’est l’artiste lyrique Patrick Vilet qui prête sa belle voix envoûtante. Tous les arts de la scène sur cette piste imaginaire…
Geneviève de Kermabon, avec sa grâce d’enfant, sa maîtrise et son autorité de grand metteur en scène, d’interprète chatoyante, nous émeut aux larmes, dans le rire et une mélancolie certaine. Elle est unique.
N’en disons pas plus ! Le bonheur est dans la découverte et il faut recevoir ce spectacle comme un enchantement.
Théâtre du Soleil, salle de répétition. A 20h00, du jeudi au samedi, à 16h00, dimanche. Durée : 1h15. Réservations au 06 16 07 06 93. Jusqu’au 19 décembre.