Interprète très profonde, elle donne aux personnages qu’elle incarne une sincérité bouleversante. Ainsi dans « Respire », un monologue écrit par Sophie Maurer et mis en scène par Panchika Velez.
C’est à la Scala, dans la petite salle enveloppante qui offre une troublante proximité de spectateurs à interprètes, qu’elle nous attend, en compagnie de Bruno Ralle, compositeur et instrumentiste ici crédité comme « comédien ». Si l’on comprend bien le texte de présentation, Elio Di Tanna (Baloo Productions) aurait mis au point l’espace sonore. Un décor de tubulures et de lumières signé de Lucas Jimenez qui évoque l’hôpital, mais qui n’enferme en rien l’interprète, pas plus que le musicien qui est installé à cour.
Situation étrange que celle qu’a voulue Sophie Maurer : une femme s’adresse à son bébé nouveau- né, une petite fille, qui a un problème respiratoire. Elle est dans une couveuse. Sa vie est en danger. Une heure durant, on est suspendus aux paroles de la maman angoissée qui trouve une cascade de petits noms d’oiseaux (si l’on peut dire), petits noms doux pour tenter de faire tenir ce petit être, comme on le fait pour les adultes traumatisés à qui l’on répète : « ne t’endors pas, ne ferme pas les yeux ».
Pourquoi en dire plus. La direction de Panchika Velez est d’une délicatesse et d’une fluidité fascinantes. Elle a trouvé mille et un mouvements, mille et un détails, qui donnent une chorégraphie harmonieuse à ces moments très moirés, réversibles du terrible au radieux.
On a depuis toujours salué la personnalité forte et tendre à la fois de Romane Bohringer. Elle a toujours été idéale. De chez Peter Brook à aujourd’hui, en passant par son ami Pierre Pradinas, elle est simplement merveilleuse. Une belle voix légèrement voilée, sourde, entêtante. Une présence, une mobilité, une grâce, une beauté tout simplement.
Mais ce qui émeut le plus depuis ses débuts en Romane Bohringer, c’est sa vérité. L’évidence de son incarnation. La vérité, la sincérité, l’engagement. Elle donne au texte un supplément d’humanité. Une fée, une femme face à ce qui pourrait être une tragédie, mais qu’elle affronte, crânement. Sans un mot de plainte. Toute tendue par ce moment où enfin le bébé respirera d’elle-même… On dévoile la fin, mais cela n’enlève rien à la magistrale interprétation. Un beau spectacle, tenu, tendu, tout d’émotion en même temps.
La Scala, petite salle, à 19h30 du jeudi au samedi, jusqu’au 8 octobre, puis du 3 février au 1er avril.