Pour sa première venue à Paris, la jeune artiste japonaise Yuri Yamada nous offre une plongée acide dans l’univers des femmes et des hommes, aujourd’hui.
Le Japon nous séduit. L’Empire des signes que célébrait Roland Barthes, nous tient sous son emprise intellectuelle et affective, par sa culture ancienne, ses paysages, ses finesses rituelles, ses mystères. On dirait, un peu naïvement, que le Japon éternel nous séduit. Nous sommes réceptifs à ses expressions, du Kabuki aux robots anthropomorphes que l’on a d’ailleurs applaudi sur les scènes… On aime ses réalisateurs, ses romanciers, ses poètes, ses comédiens, ses metteurs en scène. On a la chance, en tout cas en France, d’avoir accès à un Japon créateur, vivant. Un Japon d’aujourd’hui.
A la Maison de la Culture du Japon à Paris, merveilleux bâtiment situé non loin de la Tour Eiffel, on se rend toujours avec un profond plaisir, certain d’être complètement dépaysé et de découvrir des artistes qui nous touchent. De la danse, beaucoup, de la musique et du théâtre.
En ce moment, dans le cadre du Festival d’Automne, on peut savourer un spectacle dont le titre, ironique et tendre à la fois, est tout un programme : Et pourtant, j’aimerais bien te comprendre…
Dans la merveilleuse salle de spectacle, aussi harmonieuse que confortable –et transformable évidemment- on est dans une relation de proximité. On découvre un décor un peu triste à nos yeux : des voilages entourent l’espace d’une salle à manger d’aujourd’hui. Très simple et sans originalité.
Une grande table rectangulaire juponnée d’une nappe à plis, un éclairage à dessein sans subtilité, voilà pour l’essentiel. Un lampadaire, une petite lampe sur pieds, des chaises évidemment, un coin avec un coussin par terre, pour s’y lover.
On ne vous racontera pas ici le détail de l’intrigue car le bonheur de cette représentation vive, enjouée, mais sérieuse sinon grave, en même temps, est de découvrir ce qui se passe dans la vie de ce jeune couple sympathique. Lui, un peu indolent, elle, hyper active. Deux bonnes, fausses jumelles aux comportements réglés au cordeau, coiffures avec une sorte de tresse qui monte verticalement, intrusives et inquiétantes, plus une amie qui elle aussi arbore une étrange coiffure, à cornes de cheveux…
Il est question de la responsabilité des hommes et des femmes dans une société d’une férocité sans état d’âme. Les femmes sont des êtres inférieurs pour de nombreux Japonais. Leur destin est de se marier, d’avoir des enfants. Triste réalité qui conduisent de plus en plus de jeunes filles à fuir mariage et enfantement.
C’est très bien joué par cinq jeunes interprètes charmants et très précis dans leur interprétation. Un homme, quatre femmes. Elégants, légers et aigus, ils donnent au propos de la jeune auteure/metteure en scène qui les dirige avec une fermeté et une précision lumineuses, une force spirituelle qui nimbe un propos critique, politique.
De quoi se divertir, réfléchir. Un délicieux moment d’intelligence et de talent.
Maison de la Culture du Japon, jusqu’au 9 novembre. Durée : 1h15. En japonais avec d’excellents et très lisibles surtitres. Mardi 8, rencontre avec l’auteur/metteuse en scène Yuri Yamada, à l’issue de la représentation. Dans le cadre du Festival d’Automne.