Avec Petites histoires de la démesure, Géraldine Szajman, adaptatrice des « Métamorphoses » d’Ovide et metteur en scène, Vivien Lenon, compositeur et musicien, Manon Combes, comédienne, nous offrent un moment rare, harmonieux, intelligent, joyeux. On s’envole !
De la culture et de la malice, de l’intelligence et de l’audace, une joie partagée : les artistes de ce spectacle, aussi bref que vif et brillant, sont vraiment remarquables. Deux filles et un garçon. L’une, Géraldine Szajman, a adapté quelques pages d’un texte très célèbre de l’antiquité, Les Métamorphoses d’Ovide. Elle le met en scène, dirigeant une de ses camarades, la très douée Manon Combes. Le troisième est le compositeur et musicien Vivien Lenon, qui joue en direct, à vue sur le plateau, tel l’indispensable partenaire qu’il est.
Tel qu’il est conçu, le spectacle qui s’intitule donc Petites histoires de la démesure, constitue une sorte de « performance » portée par une artiste dont on ne cesse de louer les talents profonds et rayonnants depuis des années. Elle se nomme Manon Combes. Elle est, ici, époustouflante en un exercice qui tient de la chorégraphie, de la poésie sonore, du jeu dramatique, de l’humour, de la piste, de la prouesse de gymnaste, de l’élocution sans essoufflement malgré le mouvement quasiment ininterrompu imposé à la délicieuse interprète.
Manon Combes que l’on connaît depuis le Conservatoire, que l’on a retrouvée à l’Odéon comme à la Porte-Saint-Martin ou au Poche-Montparnasse, qui n’a rien perdu de sa chaude lumière sous les directions de Peter Stein, l’un de ses maîtres et complices spirituels, Luc Bondy qui l’installa sur le même plateau qu’Isabelle Huppert, bonne école, ou du moins largement médiatiques, mais aimé du monde du théâtre, tel Yann-Joël Collin. D’autres encore.
On connaît moins bien, pour le moment, Géraldine Szajman. C’est elle qui a adapté, très librement quelques épisodes des Métamorphoses d’Ovide. On entend l’histoire du roi de Thessalie, Erysichton, et celle du roi de Phrygie, Midas.
Sur le plateau des Déchargeurs, « grande » salle qui porte le nom du fondateur de ce lieu, Vicky Messica, un lieu qui a toujours été un foyer de création, de soutien aux jeunes talents, ceux que l’on nomme aujourd’hui les « émergents », pas vraiment de décor. Mais on voit tout, on saisit les récits et leurs arabesques.
Au commencement, il y a un bel arbre. Les ondes et les ombres, les nymphes, les elfes, les dieux, les habitants des forêts et des torrents, nous apparaissent sensiblement, sans qu’ils soient visibles simplement. Ils nous pénètrent de leurs présences évanescentes. Et puis l’on retrouve les histoires très complexes de deux grands « personnages », très ambivalents, cruels et manipulateurs, en quête de grandeur, de fortune. Ainsi paraissent Erysichton, roi de Thessalie, Midas, roi de Phrygie, Midas, celui qui souhaitait que tout ce qu’il touchait se transformât en or.
En scène, tandis qu’au plus près des spectateurs, à jardin, Vivien Lenon accompagne les développements des récits tressés en un écheveau séduisant, Manon Combes, joue, tourne virevolte, vole, danse, parle, s’amuse et nous enchante. Tout de blanc vêtue, elle est comme une flamme candide qui pourtant embrase tout !
On est subjugué par tant de grâce, d’évidence, de partage. Manon Combes est une très grande artiste, et ses camarades sont excellentissimes.
Le spectacle, qui subjugue le public, s’adresse aux adultes comme au jeune public. On nous précise que Petites histoires de la métamorphose peut concerner les enfants, dès l’âge de sept ans ! La comédienne et l’adaptatrice-metteur en scène, ont travaillé pour des pièces « jeune public » et aussi subtilement sophistiquée soit cette proposition que l’on admire, elle s’adresse effectivement à un très large spectre ! Mais nous, les grands, on apprécie toutes les nuances, les allusions, les ramifications des ces histoires immortelles.
Aux Déchargeurs jusqu’au 28 mars, du dimanche au mardi, à 19h00, durée : 1h00. Tél : 01 42 36 00 02.