Au Local, dans le XIe arrondissement de la capitale, reprend une très jolie pièce sur la maladie et ses bouleversements au sein d’une famille. L’occasion d’y découvrir quatre comédiens qui ont la rage de jouer.
C’est une tendance que l’on voit émerger depuis une petite dizaine d’années : l’adaptation à la scène d’écrits intimes, proche du témoignage, racontant une blessure personnelle au premier degré. Souvent, une maladie du corps ou de l’âme. Il suffit de parcourir la bible du Off d’Avignon. Tous les petits et grands malheurs y passent, du cancer des poumons au bégaiement. On découvrait justement cet été l’excellent Insuline et magnolia – entre autres sur le diabète – de Stanislas Roquette.
On comprend bien ce désir de s’emparer du théâtre dans la faculté qu’il a de réparer, sinon de faire comprendre. L’artiste saisit les planches dans une démarche quasi-autobiographique et cathartique. Il y a pourtant mille écueils. La sincérité ne fait pas tout. Et beaucoup de spectacles s’y perdent. On se rendait donc voir En quête, spectacle écrit et mis en scène par Sarah Battistella, parce qu’il traite d’une maladie lourde (Alzeihmer, jamais nommée), avec cette légère appréhension.
Coupons court : le spectacle est formidable. Justement dans sa réussite à faire d’un drame malheureusement banal (la maladie frappant 17,8% des plus de 75 ans, d’après la fondation Vaincre Alzheimer) une apocalypse. Et d’une douleur intime, une blessure universelle. Comme l’écrit avec beaucoup de justesse la jeune autrice, « assumer nos peurs et nos maux, c’est choisir d’embrasser notre humanité« .
La fête des morts
Alors que leur père les quitte doucement, on retrouve sur le plateau trois frères et soeurs perdus dans les cartons, seule scénographie du spectacle. En filant cette métaphore du déménagement, la mise en scène les fait se retrouver pour vivre ensemble le dernier rite du passage à l’âge adulte : la perte d’un parent. Il y a autant de personnalités que de manière de vivre son deuil. L’aîné (Sarah Battistella), agressive, en veut au monde entier, public compris. Le cadet (Quentin Kelberine), plus doux, vit une dépression qu’il a du mal à partager, tandis que la petite dernière (Elsa Goulley), très sensible, se sent mise à l’écart.
Déambulant autour du trio, une drôle de créature extradiégétique : Calavera. Entre l’égérie queer et la camarde de festival (on pense à la fête des morts au Mexique), elle est une faucheuse sympathique et cynique qui philosophe avec humour sur la situation. Dans le rôle, Simon Quintana est bluffant.
Plus qu’une pièce sur Alzheimer, ou sur la mémoire, En quête dépeint les mécanismes d’une famille face au deuil. Un malade dans une famille, c’est toute la famille qui tombe malade. Sarah Battistella apporte sa belle lecture de la fratrie, de son équilibre et de ses dissonances. Les comédiens, investis, toujours justes, nous touchent d’autant plus qu’ils ont chacun des qualité très différentes. Tour à tour, ils se livrent au public dans des monologues poético-philosophiques qui font perdre un peu de rythme à la pièce mais font mouche par leur justesse. On aurait aimé plus de scènes collégiales ! Plus que leurs réflexions personnelles, leur résilience commune…
Qu’importe. En quête nous emporte. Comme la bande son originale du compositeur Coeur Qui Bat qui apporte beaucoup au spectacle, à sa jeunesse, à sa fougue, à ses accents épiques. La fête et la mélancolie.
Du 14 au 17 avril au théâtre Le Local (Paris, XIe). Vendredi à 20h30 / Samedi à 19h / Dimanche à 17h / Lundi à 19h.