Elle s’est éteinte pas même un an après son mari, Lucien. Ensemble, ils avaient élaboré et fait vivre « Théâtre Ouvert », pépinière d’écrivains, lieu de naissance des textes, un foyer essentiel de la vie du théâtre, depuis 1970.
Elle était blonde au teint clair. Il était brun au teint mat. Jean-Luc Lagarce, qui les aimait profondément et qui leur était très reconnaissant, les appelait affectueusement et non sans espièglerie, « Attoun et Attounette ». Ils s’étaient connus jeunes adolescents, à l’Ecole Maïmonide. Ecole de confession juive, installée près du jardin Albert-Kahn. Une école ashkénaze dans laquelle Lucien est « le seul arabe », comme il le disait, lui qui était né à La Goulette, port de plaisance de Tunis. Il a 13 ans, elle 12. Il joue très bien au football, elle porte un manteau rouge et un bonnet orange. Il l’a repérée. En tout bien tout honneur. Il passe là trois ans, avant le Lycée Voltaire.
Elle est née le 11 octobre 1936, à Paris, XIXème. Il est son aîné de quelques mois, le ténébreux de La Goulette.
Le temps passe et ils se retrouveront bien plus tard. Ils se croisent au Tournon, le café des joueurs d’échec, mais aussi le lieu des retrouvailles des anciens élèves de Maïmonide. Micheline Maliniak est déjà mariée. Elle a épousé un polytechnicien. Lucien est invité dans leur maison de campagne, près d’Etampes. Il fait la cuisine. « Il est bon, ton couscous, Lucien ». Une déclaration. On est en 1959 ; ils s’épouseront en 1963.
Elle est bibliothécaire au Centre Américain, il est encore dans les petits boulots. Mais enseigne beaucoup, jusqu’à HEC. Il va glisser jusqu’au théâtre professionnel, par le théâtre étudiant. Elle le suivra, essentielle.
Passons les épisodes. Théâtre Ouvert qui va naître dans la lumière de Jean Vilar, à Avignon, en 1970. Jusqu’au 1er janvier 2014, ils en seront les ardents animateurs. Derrière les ailes du Moulin Rouge, au Jardin d’Hiver, Micheline lit, reçoit, surveille les éditions. Elle est accueillante, généreuse. On ne refera pas ici le long parcours des écrivains découverts, soutenus, suivis. Elle s’intéresse à l’ensemble du monde du théâtre. Elle lit les critiques, les textes édités ailleurs. Elle et lui vont beaucoup au théâtre. La légère embarcation des lectures, des mises en espace, du « gueuloir », est devenue un centre dramatique. Les moyens ont suivi. Mais l’esprit des patrons n’a pas changé.
On revoit Micheline Attoun, sa manière maternelle, sa douceur rayonnante, son esprit. Ses cigarettes. Elle n’arrêtait pas de fumer. Elle aimait rire. Elle ne reconnaissait pas toujours le théâtre qu’elle aimait, dans les spectacles à la mode. Mais elle avait vu passer tant de choses, qu’elle savait que tout pouvait retomber. Elle croyait au texte d’abord. Aux auteurs d’abord.
Théâtre Ouvert avait quitté le Jardin d’Hiver pour s’installer, avenue Gambetta, dans les anciens locaux du TEP. Elle était venue le 19 décembre dernier lorsque le nom de Lucien et de Micheline Attoun fut donné à la grande salle. Elle était la même. Mais triste et fatiguée. On ne s’étonne pas de sa mort.
On ne l’oubliera pas. On entendra longtemps sa voix, douce et tendre, mais capable de sévérité. Elle détestait l’inconséquence.
Sa famille, ses amis, diront adieu à Micheline Attoun, le mercredi 20 mars prochain, au Cimetière du Père-Lachaise, à 15h00.