A l’Auditorium Michel-Laclotte, une lecture les a réunis. A deux, ils ont dit le dernier texte du poète, « Le Louvre, espace de l’alphabet à venir ». En arabe, et dans sa traduction française. Un moment de grâce.
Vendredi 29 mars au Louvre. Nocturne, en ce soir de début de week-end de Pâques. Jusqu’à 21h15, les visiteurs peuvent aller et venir. Devant l’Auditorium Michel-Laclotte (du nom de celui qui travailla au Grand Louvre et fut son premier directeur, l’ami des primitifs italiens et du musée du Petit-Palais d’Avignon), les spectateurs patientent.
Connaisseurs du grand poète, né en Syrie, avant le Liban et la France, écrivain et veilleur du monde, dont on espère toujours qu’un jour, il recevra le prix Nobel de littérature. Admirateurs de Fanny Ardant, public d’étudiants avides de savoir, familiers de la programmation éclectique et brillante du lieu.
Après quelques mots d’accueil de ces deux très grandes personnalités, quelques mots de présentation de la manière dont est né ce texte, Le Louvre, l’espace de l’alphabet à venir (1), quelques mots de remerciements aux artistes et aux équipes qui font vivre l’auditorium et les collections, Laurence des Cars, directrice du plus grand musée du monde, s’éclipse.
On avait vu Adonis, il y a quelques semaines, deux peut-être, du côté de chez Augustin Trapenard, dans « La Grande Librairie ». Ils déambulaient dans les espaces des antiquités orientales, tout en parlant du livre. C’était brillant, tendre, émouvant. Fanny Ardant, on ne cesse de la retrouver, au cinéma, au théâtre. Dans quelque temps, d’ailleurs, on ira l’applaudir dans l’adaptation d’un texte de Laurence Placenet, La Blessure et la soif (2).
Le dispositif est simple. Adonis à jardin, Fanny Ardant à cour. Devant des lutrins. Ils lisent. Lui, en arabe, elle, en français dans la traduction du poète avec Donatien Grau. Les textes dits sont projetés sur l’écran du fond, en traduction; pour que chacun, ici, puisse comprendre.
Les deux voix sont très belles. Adonis connaît ses nuances. Fanny Ardant est idéale. Elle a travaillé. Elle maîtrise et les mots, et les rythmes, et le sens. C’est un moment de grâce profonde qui met en lumière la poésie naît de la fréquentation du poète, invité par le Louvre à saluer les dieux d’autrefois, les humains, ici réunis.
Lisez ce livre beau et profond. Ici, les dieux de Sumer, les dieux de la Mésopotamie, et les fleuves, Tigre, Euphrate, sont là, qui nous saluent. Nos frères. Si proches. Enheduana, dont on dit qu’elle fut la première des poétesses, est appelée. Comme Gilgamesh, frère inoubliable. Comme tous les héros et héroïnes qui nous sont présents, tel Endiku, et d’autres, parce que, il y a des milliers d’années, les scribes, kalams à la main (roseaux taillés pour les signes cunéiformes), nous ont raconté ces grandes épopées… Et on peut encore les écouter. Et réfléchir, tout en étant bouleversés d’émotions.
- Le livre d’Adonis est publié par Louvre Editions, avec Seghers. En version bilingue
- « La Blessure et la Soif », dix représentations exceptionnelles, au Studio-Marigny, à partir du 16 avril.