Appelée par le directeur du festival, Tiago Rodrigues, cette manifestation décidée au lendemain de la dissolution, a réuni de nombreux artistes et des jeunes reprenant les slogans de leurs marches.
C’est beau, la cour, la nuit. A peine terminée la représentation du spectacle d’Angelica Liddell, Dämon, la foule est nombreuse au pied du palais. Le rendez-vous a été donné à minuit trente, mais il faudra près d’une heure pour que les spectateurs et intervenants de cette soirée puissent s’installer.
Sur le grand mur, une photo et ces mots : « « la unica lucha que se pierde es la que se abandona », la seule lutte que l’on puisse perdre, est celle que l’on abandonne. Mais bientôt, en lettres géantes et dans la police de caractères évoquant celle des débuts du festival, s’inscrit simplement « La Nuit d’Avignon ».
« Je m’appelle Tiago Rodrigues et je travaille au festival », c’est la manière dont le directeur a pris l’habitude de se présenter. A Boulbon, dimanche dernier, elle pouvait passer, dans la cour, hier, les jeunes ricanent. Ils savent bien qu’il est le patron.
Les premières interventions sont belles : l’envahissement de la cour par les danseurs, grands artistes et amateurs, des spectacles de Boris Charmatz. sur un ancien geste chorégraphique réinterprété La prise de parole de l’auteure et interprète des Chatouilles, Andréa Bescond, sincère, directe, puissante est remarquable. Vient, pour un moment très fort, lui aussi, JoeyStarr qui dit et lit un texte de l’écrivain Léon Gontran Damas, ce poète né en Guyane, parlementaire français, auteur souvent cité par l’ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira. C’est magnifique. JoeyStarr possède une puissance lyrique formidable. Il l’avait montré avec son spectacle sur les discours de la Révolution française. Dans la nuit d’Avignon, il excelle à transmettre par la poésie, la force vitale de la littérature, ce rempart.
La nuit est idéale. Pas trop de chaleur, un peu de vent. Mais la distribution de la parole est lourde et ce que l’on pouvait redouter advient : une cascade de discours qui n’ont aucune portée puisque dans la salle, les spectateurs sont convaincus. Citons François Nyssen, ancienne ministre de la Culture et présidente du conseil d’administration du festival. Elle lit un texte de Salman Rushdie. Cécile Helle, la maire d’Avignon, dans ses raisonnements lénifiants. La CGT en masse et autres groupes représentants des intermittents et acteurs du domaine de la culture. Les deux directeurs du off. L’un d’eux lit un poème célèbre sur la liberté. Le président du Syndéac. En tout beaucoup de belles paroles et dans la salle, les slogans des manifestations, notamment celui, clamé en italien, contre le fascisme et autres rengaines qui disent détestation de l’extrême droite, et de la police. Bref, de la démagogie pure et dure. Peu de réflexions. Un mot d’ordre : voter dimanche !
Il est 3h30 du matin. On a un rendez-vous à 7 heures à la Gare. On n’attendra pas Jeanne Balibar, Mohamed El Khatib, Alexis Michalik ou la Comédie-Française.