Jany Gastaldi, une flamme s’éteint

Brune au teint clair, silhouette frêle, grand regard fiévreux, elle était ultra sensibilité et intelligence profonde et vive de la poésie, de la littérature. Elle flambait. Mais, avant tout, elle était une voix. Très particulière. Un souffle. Une musique unique.

Antoine Vitez, dont elle fut l’élève et avec qui elle aura énormément joué, la désignait comme l’un de ses « reines ». Elle possédait une voix unique, une manière de laisser place au souffle dans le moindre des mots de la langue française. Elle les ouvrait, les mots, les lançait vers le haut. Comment dire ? Elle était musique et, d’ailleurs, son dernier rôle, avec son maître, fut, dans Le Soulier de satin de Paul Claudel, Dona Musique.

Les autres « reines » sont Nada Strancar et Dominique Valadié.

Jany Gastaldi s’est éteinte hier matin, un dimanche gris de fin d’automne. Elle a été emporté par un cancer cruel. Elle n’était que grâce et intelligence rayonnante de la vie. Réservée dans les relations avec ceux qu’elle ne connaissait pas bien, amie chaleureuse. Elle irradiait la merveilleuse fantaisie d’une éternelle enfant. Mais sans faiblesse d’immaturité. Au contraire. Elle était grave, profonde, mais elle n’aimait pas peser. Poids plume et sérieux de tout l’être. On va encore répéter la formule si jolie de Peter Brook : « un artiste est un enfant expérimenté ». Cela allait idéalement à Jany Gastaldi.

On ne refera pas ici tout son parcours. Elle est l’enfant qui relève sa chemise dans La Dispute de Marivaux par Patrice Chéreau. En face d’elle ? Laurence Bourdil ? Nerveuses, déchirantes, inoubliables. C’était quand ? 1974 ?

Des légendaires « quatre Molière » de 1977-78, (et au-delà car l’ensemble fut souvent repris), Jany Gastaldi travailla beaucoup, dans les années qui suivirent, avec Antoine Vitez. Mère Courage, Les Miracles, Faust, Electre, Andromaque, Britannicus, Hamlet, Hernani, et enfin le Le Soulier de satin, Jany fut de toutes les aventures.

Parmi les autres metteurs en scène avec lesquels Jany Gastaldi a travaillé, il y a Alain Françon de Chambres de Minyana à Petit Eyolf d’Ibsen.

On l’a retrouvée avec Christian Schiaretti pour Par dessus bord de Michel Vinaver. Mais pas de metteur en scène, n’était Antoine Vitez, qui tint plus de place dans son parcours, qu’un autre. Toute une génération a voulu Jany dans ses distributions . Citons dans le désordre, Daniel Mesguich, CharlesTordjman, Brigitte Jaques, Allain Ollivier pour qui elle incarna Madame dans Les Bonnes, Henri Ronse, Guy-Pierre Couleau, Sophie Loucachevsky, Jean-Claude Fall, Robert Cantarella, Adel Hakim, Daisy Amias, Jean-Pierre Miquel.

Est-ce son dernier rôle au théâtre ? Peut-être. Elle fut une Philaminte acide et drôle dans Les Femmes savantes de Molière dans une mise en scène de Marc Paquien, à la Tempête, en 2012.

Jany Gastaldi fut aussi souvent sollicitée par des réalisateurs. Elle avait un visage qui prenait à merveille la lumière, et cette voix de fée qui charmait comme la voix d’une sirène…Elle incarnait des singulières, des êtres à part. De René Féret à Martine Dugowson et au-delà, en passant par Claude Lelouch, elle a beaucoup tourné et on n’oublie pas son joli visage, fin et expressif, son regard sombre et flamboyant.

Nous reparlerons d’elle. Ici et là. Ne l’oubliez pas.