Elle est une très grande artiste. Depuis des années, au théâtre, au cinéma, à la télévision, on admire sa personnalité forte et son art subtil. Avec Faire semblant d’être moi, qu’elle a écrit, et qu’elle interprète, mise en scène par Xavier Maurel, elle enthousiasme le public.
Pantalon marine à pont, pull rayé, elle est une merveilleuse élégante à la Coco Chanel sur les planches de Deauville, dans les années 20/30. Ou 2025. Longue, fine, souple, chevelure blonde en boucles et crans disciplinés, visage au bel ovale, regard aussi ardent que clair, Voix harmonieuse et très expressive. Luce Mouchel est une femme très séduisante et une artiste merveilleuse. Et bien au présent !
Elle a joué, au théâtre comme au cinéma ou à la télévision, sous la direction de metteurs en scènes et réalisateurs, hommes et femmes, personnels et exigeants. On ne vous fera pas ici la liste de tous ses rôles –on doit les trouver sur internet- mais on se souviendra, pour exemple, de la manière dont elle incarna, il y a déjà quelques années, la mère dans La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, mise en scène du très regretté Jacques Nichet. Un rôle, un sommet, mais il y en a bien d’autres.
Aujourd’hui, elle a cinq ans…et un peu plus. A La Flèche, lieu qui doit actuellement sa vie très intéressante à Flavie Fontaine, Xavier Maurel, avec qui Luce Mouchel a déjà travaillé, la dirige dans Faire semblant d’être moi. Un texte que la comédienne a écrit, une autobiographie très drôle, grinçante, non dénouée de douleur, mais très profonde d’abord, un texte dont on avait vu une esquisse dans le cadre des captures des réseaux durant le confinement. C’était déjà très émouvant, très touchant, de cocasserie à gravité.
Sur scène, au théâtre, on est au plus près d’elle et de ses vérités. D’abord, elle a écrit le texte. Elle a écrit son histoire. Elle a cinq ans, quand elle entame cette route de parole, de rires, de pleurs, de joies, de chagrins, et elle s’arrête lorsqu’elle sait que le théâtre peut être son monde. Toute une vie. C’est clair. Et c’est elliptique.
Xavier Maurel est un esprit très fin. il a trouvé les couleurs, les traversées, les déplacements, liaisons fluides et ruptures. Caroline Marcadé, chorégraphe qui veille aux mouvements mais sait tout, des secrets des textes et des humeurs des âmes, étoffe la représentation. Ajoutons musique, sons, des images vidéo de Véronique Caye qui ne distraient pas du propos central, c’est signé pour les lumière de Tom Bouchardon. Et puis, regard aimant et exigeant, Pierre-Alain Chapuis a été de tous les instants de cette création.
On ne vous fera pas ici un résumé de ce que raconte Faire semblant d’être moi. Ce n’est pas un secret, il y a une famille : une mère, un père, une grande sœur, un frère. Et ce n’est pas fini. De la fin des années 60 jusqu’aux années 80, une petite fille devient grande, mais la grande, et c’est tout son pouvoir, ne rompt jamais avec la petite fille.
Plasticité du corps (parfait : une déesse du temps, mince et souple)), mobilité du visage, toutes expressions, des plus subtiles aux éclats, rires ou pleurs, puissance des regards, voix harmonieuse aux variations superbes, grimaces, reprises de gestes pour chacun et chacune des figures présentes, texte extrêmement bien construit, haute écriture et fluidité orale, en même temps, tout ici nous happe. On n’en perdrait pas un soupir. On s’attache à tous les « personnages ». Maman, Papa, grande sœur et ce frère comme un jumeau en mal être, en angoisse. Un cerveau hors pair, mathématique, physique, … mais pas de recette pour être heureux au monde.
C’est cela que nous raconte, sans fard, Faire semblant d’être moi. Xavier Maurel, metteur en scène de l’âme, qui connaît Luce Mouchel, a soutenu le parcours en délicatesse et rigueur. Tout ici touche comme si nous recevions une pluie de flèches. C’est très changeant, moiré, plein de ruptures, inattendu. Un moment, la musique, le clavier, interviennent comme son double et comme un interlocuteur.
Une heure quinze d’émotions vives, de rire à larmes, une heure quinze d’émotions attisées par le piano que joue si bien Luce Mouchel. De très belles pages classiques, mais pas seulement. Une profonde plongée dans le monde de l’âme humaine cherchant sa voie : sa meilleure incarnation, ici et maintenant.
La Flèche Théâtre, 77 rue de C https://www.lefigaro.fr/haronne 75011 Paris.
Tél : 01 40 09 70 40. Chaque samedi à 19h00 jusqu’au 15 mars. Durée : 1h15.