Jean-Baptiste Tur, introspections solaires

Dans De lumière, donné dans le cadre du Printemps des comédiens, et porté par David Ayala , le metteur en scène s’interroge sur les fondements de sa culture, de sa personnalité et sonde celle des autres, au filtre de l’art taurin.

Il y a des spectacles dont on sort chaviré, heureux et sur lesquels on pourrait écrire immédiatement, porté par un enthousiasme certain. Mais des spectacles avec lesquels on traîne. Que l’on prend plaisir à conserver en mémoire et dans le cœur, y repensant, avec des images précises interrogées, mais aussi dans une attention flottante qui va et vient. Puisque De lumière ne se rejouait pas longuement dans l’immédiat, on avait le temps. Le temps qu’un jour l’air principal joué par la fanfare accompagnant la représentation, nous revienne, lancinante…

De lumière est une création de Jean-Baptiste Tur, qui a conçu le spectacle et le met en scène, avec, au centre du jeu, David Ayala, interprète sensible que l’on tente de ne jamais rater au théâtre –mais désormais, il est très pris par le cinéma et la télévision.

De lumière a été écrit par une jeune auteure qui n’a pas grandi, au contraire de Jean-Baptiste Tur et de son frère Gabriel, au contraire de David Ayala, dans un monde où le taureau nourrit la culture de chaque jour. Azilys Tanneau fait son chemin dans le monde du théâtre (et de la télévision), par la dramaturgie, le texte personnel et en répondant à ses commandes. On imagine qu’elle s’est documentée et a lu, sans doute, les livres d’Alain Montcouquiol consacrés à son frère Christian, dit Nimeno : Recouvre-le de lumière, (Éditions Verdier, 1997), et Le sens de la marche, (Verdier 2008).

Sans doute a-t-elle également beaucoup parlé avec Jean-Baptiste Tur qui, par le truchement de la fable, interroge sa vie même, sa vocation, son art et la place de la mort dans les vies… David Ayala, lui aussi, a certainement apporté dans son verbe fraternel, des images, des souvenirs, des impressions, des émotions.

On ne va pas tout raconter : l’argument de départ est assez simple. C’est le déploiement en spectacle de parole, de musique, d’images, d’enquête filmée, qui donne sa puissance à la représentation. Rien de révolutionnaire dans cette juxtaposition de plusieurs moyens d’expression, rien de très strict dans le passage d’un support à un autre. Il y a même un désordre certain qui métaphorise le déchirement du « héros » que David Ayala incarne de toute sa puissance et sa sensibilité.

Les deux musiciens, Thomas Delpérié et Pierre Borel, eux aussi, portent les interrogations qui planent, jusqu’à leurs percées existentielles. L’homme, l’animal, la vie, l’emprise sur les jeunes, la peur, le désir de briller, d’entrer dans la lumière, l’habit de lumière. Le risque.

Evidemment, les artisans du spectacle pensent beaucoup à Michel Leiris : De la littérature considérée comme une tauromachie. Mais on peut, sans référence aucune, entrer de plain-pied dans la lumière. Le propos dépasse de loin les limites régionales ou culturelles

C’est un travail très remarquable, qui ne pose pas, qui se donne mine de rien, dans une apparente simplicité. Mais il est riche, complexe, plus délicat que l’on pourrait l’imaginer, par-delà les accents puissants des musiciens et la force solaire de la fanfare….

Tous renseignements par Jean-Baptiste et Gabriel Tur, 

grandcerfbleun@gmail.com