A Montpellier, le Printemps s’épanouit toujours

Une manifestation écourtée mais très intéressante et des directeurs qui s’inscrivent, sans en faire discours, dans la lumière d’un de leurs aînés, Gabriel Monnet.

On pouvait craindre qu’avec une année de transition, après la transformation profonde des structures du Domaine d’O et du Printemps des comédiens, et la réduction de marge pour la création qui s’en est suivie, la manifestation perde de son intérêt. Mais même avec une voilure réduite, dans l’offre comme dans la durée, Jean Varela et Eric Barth ont proposé une programmation très intéressante et forte.

On souhaite que les tutelles prennent la mesure de l’importance des enjeux et de la qualité des offres.

Ni Eric Barth, si Jean Varela ne sauraient d’ailleurs se décourager. Ils ont des modèles, une volonté profonde d’être les héritiers de la plus belle histoire du théâtre français. Décentralisation, création, partage, rayonnement international, ils savent qu’il faut tenir haut le désir de transmettre et d’élargir toujours plus le public.

Comédien très sensible, Jean Varela a récemment interprété Gabriel Monnet, grand homme de théâtre de l’après-guerre, jusqu’au début du XXIème siècle. Il était né en 1921, à Montmédy, dans la Meuse, et s’est éteint en décembre 2010, à Montpellier.

Très jeune, il est sensibilisé au théâtre, par son père, comédien. Ils vivent alors en Ardèche. Pendant la guerre, Gabriel s’engage dans la Résistance et fait partie du Maquis d’Ardèche et du Vercors. A la sortie de la guerre, il devient instructeur national d’art dramatique (dépendant de la direction de la Jeunesse et des Sports de Haute-Savoie). A Annecy, il fonde Peuple et Culture, signe ses premières mises en scène importantes, crée le festival Les Nuits Théâtrales d’Annecy et rencontre Michel Vinaver qui écrit Les Coréens. Devant faire face au refus des politiques de voir la pièce être montée, il démissionne et rejoint Jean Dasté à la Comédie de Saint-Etienne de 1957 à 1961.

C’est alors qu’il arrive à Bourges pour diriger la Comédie, centre dramatique. Avec Jean Rouvet, héritier de l’esprit Vilar, ils élaborent ce qui sera la première Maison de la Culture. Inaugurée en mai 1965 par le Président Charles de Gaulle et André Malraux.

Gabriel Monnet va travailler énormément et mettre en scène de nombreux ouvrages avant de rejoindre Nice en 1969. Ici encore il construit, il élabore, mais en conflit avec le maire Jacques Médecin, il va à nouveau se déplacer. A Grenoble, il va diriger le centre dramatique national des Alpes. Il appelle auprès de lui une jeune équipe brillante de la ville, le Théâtre Partisan : Georges Lavaudant sera à la tête de l’institution en 1981, tandis que Gabriel Monnet plantera sa roulotte dans l’Hérault.

C’est ainsi que le jeune Jean Varela, élève de l’école d’art dramatique de Montpellier aura « Gaby » pour professeur, c’est ainsi que Julien Bouffier, metteur en scène et patron de la compagnie « Adesso e Sempre », fondée en 1991 en Occitanie, après de très nombreuses productions, a créé Gaby mon spectre, en décembre 2024 au Hangar, à Montpellier.spectacle de qualité vu à Bourges où il a été donné les 27 et 28 mai derniers, dans le bâtiment très récent et très grand de la Maison de la Culture. Bourges sera « capitale européenne de la culture » en 2028 et les espaces serviront alors.

Gaby, mon spectre s’appuie sur un faisceau de références qui retardent l’arrivée de celui qui incarne Gabriel Monnet. C’est un peu dommage. Aussi bons soient les interprètes, aussi fervente soit l’inspiration de Julien Bouffier, il s’arrime à la suspension due au COVID, se souvient de Hamlet par Patrice Chéreau, et autres faits frappants : on attend Gaby et il ne tient pas assez de place ! Vanessa Liautey, fidèle de la compagnie, excellente, et Gaëtan Guérin, très bien, ne sont pas en cause. Mais leurs personnages contribuent au tremblé du propos.

Jean Varela est un interprète remarquable. Très investi, très délicat. Sensible, il ne surligne rien et l’on croit à ce gentil fantôme, enveloppé des lumières de Georges Lavaudant.  C’est beaucoup !

Bientôt on vous parlera des créations de Montpellier : De Lumière par Jean-Baptiste Tur et Musée Duras par Julien Gosselin.

Contact de la compagnie, pour l’avenir de cette production, Agnès Laboissette : diff@adessoesempre.com