Depuis près de quarante ans, il signait des décors, au théâtre, à l’opéra, parfois au cinéma. Architecte de formation, il imaginait souvent également des costumes et savait régler les lumières. Il s’est éteint brutalement, il y a quelques jours.
Une personnalité forte, un homme ouvert, curieux, discret. Christian Fenouillat s’est éteint il y a quelques jours. On découvrira fin septembre la scénographie qu’il a imaginée pour La Trilogie de la Villégiature de Goldoni, mise en scène de Claudia Stavisky sur le plateau du Théâtre des Célestins, à Lyon.
Né à Périgueux, Christian Fenouillat avait étudié l’architecture à Grenoble. Mais c’est le théâtre, et le théâtre lyrique, qui furent sa passion.
Au théâtre, il a signé ses premiers décors avec le merveilleux Bruno Boëglin, qui nous manque tant. Ils ont énormément travaillé ensemble. Un souci du texte, des ellipses, des espaces ouverts susceptibles de lectures moirées. Christian Fenouillat avait le goût des constructions éloquentes, mais c’est toujours dans la lettre même des textes qu’il puisait ses décisions d’architecte. Il était érudit, se passionnant pour l’histoire des arts ; et s’il avait fait de Lyon sa base de travail, il voyageait beaucoup, appelé notamment, de Londres à Salzbourg, Milan, Bruxelles, par les metteurs en scène d’ouvrages lyriques.
Avec Bruno Boëglin, Fenouillat a signé les espaces –et parfois les costumes- de Titus Andronicus (81), C’était hier (82), Le Copte (83), Les Frères Karamazov (83), Ars moriendi (84), Liliom (85), Six personnages en quête d’auteur (86), Le Marabout (86), Gertrud (87), Roberto Zucco (91), Pinocchio (99), jusqu’aux Aventures de soeur Solange en 2002.
Christian Fenouillat travaille aussi au côté de Chantal Morel, notamment pour Platonov en 84 et Groom, l’année suivante. Dans la même période, il donne de l’air à Monsieur et Madame Bovary, mise en scène d’Yvon Chaix pour la Maison de la Culture de Bourges.
Première collaboration avec Claudia Stavisky : Munich-Athènes en 93. Et donc, nous l’avons dit, il est celui qui a donné un cadre à La Trilogie de la Villégiature. Notons, entre autres Minetti en 2002 ou encore Blackbird en 2008. Christian Fenouillat a également travaillé avec Charles Berling, de Camus à Beckett, notamment, et aussi avec Caroline Gautier et Dominique Lardenois.
Une longue amitié l’aura lié à Christophe Perton. Ils ont partagé de nombreuses aventures. Citons quelques spectacles : Les gens déraisonnables en 98, La Chair empoisonnée en 99, 14 isbas rouges en 2000. Shakespeare et Lear l’année suivante, La Dernière bande en 2004, L’Enfant froid en 2005, puis La Folie d’Héraclès en 2010, Les Grandes personnes en 2011, Souterrain blues en 2012.
Pardon pour ces énumérations, mais elles témoignent de l’œuvre même de l’artiste. A l’opéra, lui qui aimait tant la musique, il a surtout accompagné les créations de Patrice Caurier et Moshe Leiser. De Vienne à Spolète, de Pesaro à La Monnaie de Bruxelles, en passant par La Scala de Milan, des festivals aux maisons d’opéra, Christian Fenouillat a su donner de l’air et du mystère, de la beauté aux représentations. Il aura abordé les grands classiques comme la musique contemporaine, toujours heureux de découvrir de nouveaux univers.
C’était un homme de goût. Il avait un sens profond de l’harmonie quand l’ouvrage le permettait et savait aussi donner des humeurs inquiétantes à ses décors quand il le fallait.
On l’appelait aussi pour des expositions, des films, de Juliette Binoche à Godard ou Duras, il aura été, sans tapage jamais, l’un des très grands plasticiens de notre temps.