Sociétaire de la Comédie-Française, remarquable dans tous les registres, il luttait depuis longtemps contre une maladie qui l’avait un moment éloigné de la scène. Le cancer l’a cruellement rattrapé. Il s’est éteint le 12 août.
Un être discret, ultra-sensible, un comédien aux dons profonds, d’une délicatesse lumineuse, très intelligent, très cultivé, ennemi de toute démonstration. Pierre Louis-Calixte s’est éteint le 12 août, vaincu par la maladie. Il avait 57 ans.
On n’oubliera pas son courage moral, sa force de caractère. On n’oubliera pas le très beau texte qu’il a écrit et interprété au Studio-Théâtre, Molière-Matériau(x), publié aux éditions Actes Sud. On l’entend aujourd’hui comme un testament artistique. Mais lorsqu’il créa ce spectacle, c’est la palpitation de la vie qui nous avait bouleversée.
On ne peut résumer un si long et brillant parcours, depuis ses années d’apprentissage auprès de Jean-Christian Grinevald, de ses premiers pas à Hérisson auprès de Jean-Paul Wenzel, son travail dans la compagnie Carcara avec Hélène Ninérola où il joue très tôt Vinaver comme Calafaerte ou Heiner Müller, jusqu’au rôle-titre de Macbeth sous la direction de Sylvain Maurice tout comme celui de Pinocchio dans une adaptation, par Nicolas Fleury de Carlo Collodi.
La Comédie-Française, où il avait été engagé par Muriel Mayette-Holtz comme pensionnaire en 2006, le rappelle, il avait, dès ses premières années professionnelles, énormément travaillé et notamment avec Claire Lasne-Darcueil, Joël Jouanneau, Claudia Stavisky et tourné quelques films de cinéma, sous les directions d’Alain Guiraudie, François Ozon, Patrick Mille.
Dès son entrée au Français il joue Molière avec Marcel Bozonnet dans Le Tartuffe et Muriel Mayette-Holtz lui donne un rôle intéressant dans Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, pour l’entrée au répertoire de la pièce. Galin Stoev lui offre le bel Arlequin de Marivaux dans Le Jeu de l’amour et du hasard. Denis Podalydès l’entraîne dans Cyrano et il y campe un Le Bret très bien dessiné. Avec Podalydès, toujours, il est Jeppo dans Lucrèce Borgia. Encore Molière pour La Flèche dans L’Avare par Catherine Hiegel. Et des rôles plus rares, tel Alcibiade dans Le Banquet de Platon pour Jacques Vincey. N’oublions pas la très belle version de la Phèdre de Sénèque par Louise Vignaud. Il est le choeur. Il travaille également avec Jean-Pierre Vincent, Jacques Lassalle, et Arnaud Desplechin lorsqu’il met en scène Père de Strindberg pourle rôled’un soldat.
Plus importantes sont ses partitions avec Eric Ruf : Mercutio dans Roméo et Juliette, le Cardinal Bellarmiin et le méthématicien dans La Vie de Galilée de Brecht..
Beaucoup de classiques, donc, mais Pierre Louis-Calixte excelle également dans le répertoire contemporain, qu’il a d’ailleurs abordé avant son entrée au Français, où il sera le 524ème sociétaire. Lagarce, Vinaver, Fausto Paravidino, Claudine Galéa, et d’autres déjà classiques, Genet, Bond.
Certains écrivent pour lui, Pascal Rambert lui réserve le Diable, dans Une vie, Christine Montalbetti le parapluie de l’étrange Conférence des objets. Decette auteure, il crée Le Bruitteur au Studio-Théâtre, Seul en scène comme ce formidable Molière-Matériau(x). Nous mettons en annexe de cet hommage, l’article écrit au moment de la création de cette plongée dans sa vie et dans les textes qui l’ont construit.
Dans l’hommage que lui réserve le nouvel administrateur général, Clément Hervieu-Léger, ono peut lire : « Pendant près de vingt ans, Pierre a marqué les plateaux de notre théâtre de sa présence ombrageuse et brûlante, de son charisme presque animal. Silhouette acérée, démarche féline, voix reconnais-sable entre toutes, il conserva jusqu’au bout sa foi dans le théâtre et dans la puissance salvatrice des textes.(…) »
En note, ici, l’article publié dans ce blog en 2012, juste au moment de sa création.
Dans la série des « Singulis », ces « Seul en scène » que propose la Comédie-Française, le sociétaire propose avec « Molière-Matériau(x) », une promenade très personnelle dans l’oeuvre du patron.
Pierre Louis-Calixte est un artiste très fin, très aigu, très discret. Avec cette plongée dans la vie et dans l’oeuvre de Molière, c’est un itinéraire très personnel qu’il nous propose.
Avec beaucoup de pudeur dans la manière de s’exprimer, mais en livrant beaucoup de sa propre vie, il nous offre un moment de grâce et de méditation. On ne se sent jamais indiscret, même s’il évoque des moments intimes (la maladie qui l’avait longtemps tenu éloigné des plateaux de la Maison Molière), l’origine de sa famille avec la canne de ce grand-père venu de l’assistance publique, des moments tristes, des moments gais de la vie dans la troupe. Et puis Molière, le patron et le fil conducteur de cette réflexion, on peut répéter de cette « méditation ».
C’est très riche, très travaillé. Il y a des livres sur le plateau et le comédien s’y reporte, mais il connaît tout par le cœur.
Vue générale de l’espace. Des livres, beaucoup de livres que Pierre Louis-Calixte connaît très bien. Photographie de Vincent Pontet/ Collection Comédie-Française. DR.
Il est dans la confidence et il faut qu’il se méfie, parfois, de ne pas parler trop bas, noyé dans les beaux mais sombres éclairages de Catherine Verheyde.
Il y a des moments cocasses, des évocations de jeux, de gamineries, avec ses copains Stocker et Vuillermoz. Et comme dans la vie -mais on ne dira pas quel était ce jeu, par exemple- quelques heures plus tard, la mort survient.
Daniel Znyk, que l’on n’oubliera jamais. Et ces costumes, qu’il faut endosser… Pas seulement le rôle, mais les habits. Pas seulement un texte, mais aussi le fantôme, sans doute, l’ami qui doit encore palpiter.
Il y a aussi Jean-Luc Lagarce, et ses textes magnifiques. Et ses mises en scène. Molière, juste avant…
C’est très original, cette manière qu’a Pierre Louis-Calixte, comédien subtil, qui excelle dans tous les registres, d’aller et venir, de tresser des destins différents, de lire des signes, de nous les faire voir. Une célébration sans ostentation ni raideur ni pose, du théâtre même et de ses pouvoirs. Le très grand travail d’un interprète rare.
Autre vue générale, par Vincent Pontet/Collection Comédie Française.DR.