Sous un titre un peu vague, (Ailleurs/Après), l’auteur a composé une fantaisie délicieuse, grave et légère, portée par deux interprètes merveilleux, Lou Chauvain et Philippe Magnan.
Tout ici enchante. Et d’entrée ! Dès que s’écarte le rideau de la salle du Petit-Montparnasse, on est saisi : un long banc public occupe toute la largeur de la scène. Un banc surdimensionné en quelque sorte dont on découvrira au fil du spectacle qu’il est composé de quatre bancs qui peuvent se désolidariser les uns des autres, et suggérer des espaces différents. Cette scénographie est signée James Brandily et elle est complétée de quelques éléments simples que les protagonistes extraient des dessous, tandis qu’un grand rideau, à l’arrière, sert d’écran à des projections vidéo furtives, lieu des fantômes, des visions, des paysages changeants. Lumières signées Michel Gueldry, son Aldo Gilbert. Du très beau travail.
L’argument est fantaisiste : une jeune femme de trente ans, qui vient d’être (un peu) larguée par son compagnon, propose à son voisin de quatre-vingt ans, de partir en vacances avec lui. Il a une vieille voiture très belle, elle a un horizon, le fin fond du Finistère. Il part en pantoufles rouges, elle est court vêtue d’une petite robe-short de Vichy rose et blanc. Des costumes de Julia Allègre. Il a été professeur. Il l’entend par les tuyauteries de la salle de bains. Mais elle aussi, elle en connaît pas mal, sur lui…
C’est tout. Ils partent. A quelques kilomètres après Chartres, la belle voiture tombe en panne. On est en plein été de canicule. La Beauce, c’est bien, mais c’est un désert…
Elle est bavarde comme une pie. Elle a ramassé des livres qu’il avait fait tomber dans l’escalier de leur immeuble. Kierkegaard, notamment. Elle s’instruit. Il s’exaspère. Elle est blessée. Lui prétend l’être depuis des années. Il aurait perdu sa femme.
On verra ce qu’il en est. Une cascade de scènes brèves, elliptiques, drôles, graves, agressives, tendres, ambigües, une cascade de scènes qui nous en apprennent beaucoup, sur l’un, sur l’autre. S’ils disent vrai…
Tout cela ne serait sans doute pas aussi enthousiasmant sans les deux interprètes et leur metteuse en scène. Philippe Magnan en bougon pleutre et parfois pleurnichard, Lou Chauvain, en étourdissante charmeuse au cœur blessé. Ping-pong vif, entre eux. Elle remue sans cesse. Il est un peu amorti. Elle est vive comme une libellule. Lui, a quelque chose de fatigué, apparemment…
Arnaud Bédouet, un moment, nous égare. Soudain, la charmante complicité tourne un peu gênante. Mais il a son secret…
Ces deux comédiens sont dirigés par une metteuse en scène merveilleuse, délicate et intelligente, à l’autorité tendre, Catherine Schaub. Elle est assistée de Frédéric Baron.
On l’a dit, tout enchante dans ce bref moment de vrai théâtre. On sort grisé, ravi. On crierait bien : « Bis ! ». Mais on y retournera.
Théâtre du Petit-Montparnasse, à 19h du mercredi au samedi, dimanche à 15h. Durée : 1h15. Tél : 01 43 22 77 74.