Aurélien Ferenczi, l’intransigeance et la sensibilité

Journaliste, spécialiste du cinéma, cet esprit brillant et très cultivé s’est éteint dans la nuit de mercredi à jeudi, emporté par une crise cardiaque.

C’était dans les années 80. Au début des années 80. Il était le benjamin d’une équipe culturelle soudée autour de son rédacteur en chef, Marcel Claverie, l’un des anciens de Combat qui s’était embarqué, sous la houlette de Philippe Tesson, dans l’aventure du Quotidien de Paris

Aurélien Ferenczi avait la passion du journalisme. Il aimait le cinéma, par-dessus tout, mais il s’intéressait au théâtre, aux arts plastiques, à la musique. Et à la littérature. Ferenczi, c’est un grand nom de l’édition, une légende de l’édition. Venu de Hongrie, Joseph Ferenczi avait fondé en 1879 une maison d’édition qui connut de nombreuses métamorphoses. On s’en souvient pour ses ouvrages nombreux, diffusant à petits prix, des romans, des nouvelles, des classiques et des écrits du jour. Il y eut même, plus tard, du temps de J.Ferenczi et fils, une collection qui réunissait les romans adaptés au cinéma. Cette maison très populaire, « élitaire pour tous », pourrait-on dire, disparut en 1966.

L’autre grand Ferenczi de l’histoire de la presse, est Thomas Ferenczi, frère aîné d’Aurélien, qui fut des années durant du directeur du Monde.

A 20 ans et quelques –il était né en 1962- Aurélien Ferenczi frappe par sa forte personnalité. Un esprit ultra-sensible, une intransigeance le conduisant jusqu’à une rigueur tenace. Il participe à la rubrique cinéma du Quotidien de Paris, auprès d’Anne de Gasperi, Chafika Kadem, notamment et un autre jeune journaliste, François Jonquet.

Il ne faisait pas bon avoir des faiblesses pour les films qu’il jugeait très mauvais…Il pouvait s’emporter comme si sa vie même était en jeu. Une intransigeance que chacun respectait, car Aurélien Ferenczi était sincère. Et que l’on riait beaucoup avec lui et toute l’équipe du Quotidien.

Après la disparition du journal, en juillet 1994, Aurélien Ferenczi entra à la rédaction de Télérama. Cinéma, théâtre, grands entretiens, portraits très bien écrits, il était toujours très brillant et très engagé dans la défense de l’excellence. Rédacteur en chef adjoint, il tenait également un blog très tonique « Cinécure » (qui n’est plus accessible).

En 2019, en même temps qu’un autre journaliste important de Télérama, il avait été licencié brutalement, au motif de harcèlement. Une désagréable affaire qui menèrent aux Prudhommes les deux hommes.

Marié à une personnalité forte du monde du cinéma, Laurence Granec, père, Aurélien Ferenczi ne ressemblait pas aux portraits tracés par ses détracteurs. La fatalité voulut qu’il tombe gravement malade, quelque temps après cet épisode cruel.

Il avait publié de très intéressants livres à propos de Lars Von Trier (avec Gérard Pangon), Quentin Tarentino, Fritz Lang, Tim Burton. Il y a quelques mois, paraissait Framboise, quelques hypothèses sur Françoise Dorléac (Institut Lumière/Actes Sud, 2024). Un ouvrage traduisant la sensibilité à fleur de peau d’un être à vif que l’on n’oubliera pas.