In et off, des destins contrariés, des individus ballotés par les vents de l’Histoire. De beaux moments, souvent. Et des instants de grâce, loin de la violence du monde.
Un 14 juillet à Avignon. Un dimanche 14 juillet à Avignon, cela peut commencer dans un jardin, à 7 heures du matin. Le jardin du Musée Vouland. Devant la façade de cet hôtel XVIIIème, l’hôtel de Villeneuve-Esclapon, acquis par l’industriel lyonnais Louis Vouland qui y rassembla de très belles collections, se dresse un grand portique. Sept heures du matin, un dimanche 14 juillet, et il y a du monde ! Le soleil est bien sûr déjà levé. Au loin les martinets fusent. On vient découvrir un spectacle qui se donne aussi le soir. Il s’intitule Heures séculaires. Il est conçu par deux acrobates délicats, Laura de Lagillardaie et Olivier Brandicourt, Les Sélène. Sur une musique d’Erik Satie, et en suivant son chemin, d’Arcueil à Paris, les deux acrobates nous offrent un pas de deux dans les airs, simple, sans esbroufe, mais fluide et heureux.
Fluide et heureux ne fut pas toujours le voyage homérique de Yacouba Konaté. De Daola, en Côte-d’Ivoire, là où il a grandi, jusqu’à Paris en passant par Choucha, un camp de réfugiés, en Tunisie, le jeune homme devenu adulte en chemin, a connu une route semée d’embûches. Aujourd’hui, il est chanteur et conteur. Accompagné du percussionniste Wally Saho, Yacouba Konaté nous offre, avec Le Jeune Yacou, un moment de partage aussi fraternel qu’émouvant. Pas besoin de discours, de commentaires comme dans les pensums lourdingues qui nous sont proposés en ce 73ème festival « in ». Mais la sincérité, la vérité, les faits. C’est simple, direct. On aimerait plus de récit. Avoir plus de détails, une narration plus étoffée. Mais Yacouba Konaté aime chanter, et, plus qu’un conte, c’est un récital très beau qu’il nous offre en compagnie de son ami musicien. Les chansons parlent des événements et de ce voyage initiatique qui finit plutôt bien. A vous de le découvrir avec des enfants, puisque c’est à eux, aussi, que s’adresse Le Jeune Yacou.
Ce n’est pas le même destin, mais le même genre d’histoire du XXème siècle que raconte Crocodiles. Un monologue tiré d’un livre de Fabio Geda, écrivain italien qui s’est inspiré d’une histoire vraie pour composer Dans la mer il y a des crocodiles. Cendre Chassanne et Carole Guittat signent l’adaptation en français de cette épopée fascinante. Il s’agit donc de l’histoire vraie d’un jeune Afghan, Enaiatollah Akbari (Editions Liana Levi, 2011). Dans un dispositif bi-frontal, complété de deux écrans en miroir qui diffusent des images qui ne sont pas strictement illustratives, Rémi Fortin surgit. Autant dire que ce moment doit beaucoup à ce comédien très doué, qui vient de l’Ecole de Strasbourg et travaille aujourd’hui souvent au centre dramatique de Montreuil que dirige Mathieu Bauer. Il est vif, nerveux, profond. Une silhouette fine, des mouvements rapides mais harmonieux, un visage ouvert. Il est tout proche des spectateurs et s’adresse en toute intimité à certains d’entre eux, parfois, les prenant à témoin. C’est comme chez Yacouba Konaté : la vérité vraie d’un enfant de dix ans que sa mère accompagne jusqu’au Pakistan avant de disparaître. Elle veut qu’il échappe aux lois des Talibans. Elle le lance dans le vaste monde. Cinq années de survie sur des routes dangereuses…Cela finit bien puisque Enaiatollah a raconté son aventure…Et qu’un jour, il a su que sa mère était toujours là…Ce moment peut s’adresse aux plus jeunes. Il dit le monde d’aujourd’hui et le courage extraordinaire qui gonfle le cœur des migrants. A partager. A méditer.
Heures Séculaires, Jardin du musée Vouland, à 21h30 jusqu’au 28 juillet, sauf les 22 et 23. Représentation supplémentaire le 21 juillet à 7h00 du matin. Tel : 06 07 15 78 58. Durée : 55 minutes.
Le Jeune Yacou, Collège Joseph-Vernet, à 10h30 et 12h00 jusqu’au 17 juillet. Tel : 04 90 14 14 60. Durée : 50 minutes.
Crocodiles, 11 Gilgamesh Belleville, à 13h25, jusqu’au 26 juillet. Relâche le 17 juillet. Tél : 04 90 89 83 63. Durée : 55 minutes.