La cité des Papes est une ville riche de nombreux musées et les expositions fleurissent avec l’été.
Avignon n’est pas seulement la ville du festival, du pont Saint-Bénézet et du palais des Papes. Avignon est une ville aux architectures splendides et aux ressources artistiques très étendues.
Institutions publiques, fondations privées, musées très connus, musées plus secrets on n’épuise pas en quelques jours toutes les richesses à portée de regard. En cet été 2019, on fera un tour chez Esprit Calvet où France Culture prend ses quartiers, et on ira bien sûr, un peu plus bas dans la ville, jusqu’à la Collection Lambert où Alain Lombard et les commissaires invitent à plusieurs découvertes, par-delà les fonds eux-mêmes.
On y découvre des œuvres récentes de Miryam Haddad, l’auteure de l’affiche, très belle, du 73ème festival. On voit Jean-Michel Basquiat dialoguer avec Matisse, Picasso, Twombly. On retrouve le photographe brésilien Vik Muniz, incursion des Rencontres d’Arles jusqu’à Avignon et, dans le cadre de la sélection suisse Nadine Fuchs et Marco Delgado se partagent entre installation espiègle et performances.
C’est une tradition qui remonte aux tous débuts de la « Semaine d’art en Avignon », créée par René Char et son ami le galériste et directeur de revue Christian Zervos, une exposition prestigieuse se tient dans la Grande Chapelle.
Cette année, c’est Ernest Pignon-Ernest qui déploie ses œuvres comme il le fait sur les murs des villes du monde. L’artiste a demandé que les visiteurs ne rentrent pas directement dans l’espace de l’exposition, mais qu’ils fassent le grand tour du palais. Si on ne les connaît pas, on découvrira donc les splendeurs murales des peintres du temps des papes, la chapelle Saint-Martial et les bleus de Matteo Giovanetti. On foulera des sols de carreaux vernissés multicolores, on sera ébloui par les fresques, scènes de chasse, de pêche, feuillages et oiseaux, d’une délicatesse et d’une fraîcheur émouvantes.
L’exposition d’Ernest Pignon-Ernest est très dense. On suit ses voyages et ses hommages aux poètes. On découvre les esquisses, les ébauches qu’il multiplie avant de parvenir à l’image dans son juste lieu. L’artiste-voyageur sonde les lieux comme les âmes avant de choisir que telle ou telle œuvre sera ici ou là. Depuis plus de cinquante ans, il interpelle sans agressivité les passants. Souvent ses œuvres ne sont pas faites pour durer, mais il raconte comment il a retrouvé son Rimbaud qui avait été décollé par un amateur qui lui en a restitué un exemplaire.
L’hiver dernier Ernest Pignon-Ernest était en Haïti, et les images qu’il en a rapportées sont fortes. Eveilleur, rêveur et politique, il s’inscrit parfaitement dans cette Grande Chapelle et le public, tous âges et toutes cultures, est touché. L’exposition s’intitule « Ecce Homo ».
A la Maison Jean-Vilar c’est Macha Makeïff qui, en écho à un livre bref qu’elle vient de publier chez Actes Sud, et en écho au spectacle qu’elle présente à la Fabrica, Lewis versus Alice, propose sous le titre de « Trouble Fête », « collections curieuses et choses inquiètes ». On retrouve les humeurs et les objets qu’elle affectionne, animaux naturalisés, lion, loup, myriade d’oiseaux multicolores, vêtements d’enfants, poupées défraîchies, os blanchis, plumes. Elle glane. Elle rend hommage à Agnès Varda. Elle parle. On entend sa voix douce et triste. La mort rode ici, insiste. Il y a quelque chose de délétère dans ce parcours construit sur un deuil. Quelque chose de morbide que rien ne vient éclairer. Et aucun cartel pour vous soutenir dans cet éprouvant chemin.
La joie n’est pas loin, pourtant. Toujours à la Maison Jean-Vilar, une célébration de l’un des plus merveilleux des artistes qui ont approché Avignon et l’aventure théâtrale en général, a été imaginée par Jean-Pierre Moulères. C’est Jacno qui est à l’honneur. L’homme qui inventa le paquet de Gauloises…L’homme, on l’apprend en visionnant un reportage télévisé qui lui fut consacré, dont la signature a ainsi été diffusée à plusieurs milliards dans le monde.
Jacno, graphiste de génie. « Imagier de notre temps » écrivait un critique d’art des Lettres Françaises, il y a soixante ans. Marcel Jacno qui inventa le graphisme de Chaillot, homme de lettres exceptionnel, visionnaire. Sens de l’espace, sens du regard, il a signé pour le TNP des affiches immortelles et que l’on reconnaissait immédiatement. Il avait le sens de la musicalité des affiches. Il disait tout avec puissance et délicatesse à la fois. C’est lui qui proposa ensuite pour Avignon les trois célèbres clés. Plus tard il travailla pour l’Odéon-Théâtre de France, du temps de Jean-Louis Barrault et la regrettée Micheline Rozan, qui avait fait partie de l’équipe du TNP, lui demanda d’imaginer « l’identité graphique » des Bouffes du Nord, pour Peter Brook. Jean-Pierre Moulères a eu accès à des documents très rares, conservés par un neveu de Jacno et l’on découvre des pièces très émouvantes. En ce moment, l’exposition est présentée sous une forme réduite par la librairie occupe les espaces qui lui étaient dévolus. Mais dès la rentrée et jusqu’à décembre, vous la retrouverez dans son déploiement idéal. Cela paraît être presque rien : une histoire de lettres, de graphismes. C’est immense et d’une éloquence bouleversante…
Collection Lambert, 5 rue Violette, de 11h00 à 19h00 tous les jours.
« Ecce Homo », Grande-Chapelle, tous les jours de 9h00 à 20h00. Jusqu’au 29 février 2020.
« Trouble Fête », de 11h00 à 20h00, Maison Jean-Vilar, jusqu’au 23 juillet.
« Signé Jacno », Maison Jean-Vilar, jusqu’au 14 décembre. Avec interruption en août. Entrée libre et gratuite.