Dans « Scarlett O’Hara » la comédienne incarne une artiste de légende, Vivien Leigh. Une conférence imaginaire composée par une actrice et scénariste américaine contemporaine, Marcy Lafferty. C’est très émouvant.
Cinéma, télévision, théâtre, Caroline Silhol a toujours été aussi brillante que ravissante et, depuis plusieurs dizaines d’années, elle illumine les plateaux. Depuis sa sortie du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, elle n’a jamais cessé de jouer, au théâtre, donc, sa terre natale, au cinéma, où elle a inspiré les plus grands, à la télévision où elle a su faire des choix.
Discrète, elle ne fait pas grand tapage de ses autres expériences. Mais elle écrit. Elle a signé des scénarios, et participé au travail d’Alain Resnais qui l’a dirigée dans plusieurs films. Elle est notamment coscénariste d’Aimer, boire et chanter.
Avec Scarlett O’Hara, la dernière conférence de presse de Vivien Leigh, Caroline Silhol reprend un moment de théâtre profond, délié, très émouvant. On ne connaît pas très bien l’Américaine, comédienne, dramaturge et scénariste, Marcy Lafferty, l’auteure de ce texte que la créatrice en France a elle-même adapté. Il y a quelques années, c’est Michel Fagadau qui signait la mise en scène, dans son théâtre, la Comédie des Champs-Elysées. Caroline Silhol n’avait recueilli que des compliments…
Aujourd’hui, au Poche-Montparnasse, on retrouve et le texte et l’interprète. Dans la « grande » salle –celle du haut- on découvre, toute de blanc vêtue, une Vivian Leigh douloureuse et fébrile, changeante, chargée d’une électricité qui nous touche. Nerveuse, angoissée, celle qui parle évoque a vie. Elle s’adresse à nous, puisqu’il s’agit d’une « conférence ».
Belles lumières, musiques discrètes par Nicolas Jordelle, vêtements élégants, des costumes de Christophe Lebo et Nadège Bulfay, tout ici inspire l’harmonie. Pourtant dans ce que raconte Vivien Leigh, il y a plus de souffrance que de béatitude, plus de douleur que de paix, plus de chagrin, et parfois de violence, de ressentiment, que de sérénité. L’accord avec soi-même et sa vie est impossible pour Vivien Leigh. On la comprend blessée, on pense qu’elle va se briser définitivement à l’issue de cette sorte de confession.
Mais l’écriture de Marcy Lafferty ne manque pas de touches subtiles, et, sous le regard de la fine Anne Bourgeois, qui guide cette reprise, Caroline Silhol peut donner, avec une délicatesse de tout instant, la grande étendue des registres de son jeu. Elle est musicienne, elle chante. On s’en souvient ici. Dans ce lamento déchirant qui n’empêchent ni les sourires, ni les rires, car Vivien Leigh demeure une femme d’esprit. C’est en cela que ce spectacle adossé à un texte très documenté, une mise en scène rigoureuse, est, au-delà de son caractère de pongée dans une vie, est aussi du vrai et du grand théâtre.
Caroline Silhol est d’une vérité fascinante. On oublie la situation présente. Elle nous offre Vivien Leigh dans ses tourments, ses faiblesses, son déséquilibre psychologique d’âme déchirée. Et rien ne dissipe le mystère principal : comment une comédienne se maintient-elle au-dessus des nuées, dans la vérité des « personnages » et dans sa vérité de soi, d’un même mouvement.
Théâtre de Poche-Montparnasse, à 19h du mardi au samedi, dimanche à 15h. Durée : 1h20. Tél : 01 45 44 50 21. Site : www.theatredepoche-montparnasse.com
Extrait d’un article d’Olivier Frégaville, dans « L’œil d’Olivier ».
« ( … ) Alors jeune critique pour une webtv, je retrouve celle qui m’avait tant marqué en 1991, alors que je n’avais pas 17 ans. Elle est Vivien Leigh, sous la direction de Michel Fagadau à la Comédie des Champs-Élysées. Avec élégance et finesse, elle incarne l’éternelle Scarlett O’Hara d’Autant en emporte le vent. Santé fragile, affectée de trouble bilopaire, la star britannique évoque, dans cette fiction très documentée, imaginée par Marcy Lafferty, sa vie, ses joies, ses peines. Jouant sur les fêlures, les blessures de la diva, Caroline Silhol irradie les planches. Elle est drôle, incandescente. Une nouvelle fois, elle fait chavirer mon cœur de spectateur. »