Daniel Russo, artiste classique

Dans Drôle de justice, l’Académicien Jean-Marie Rouart interroge la société française et en montre les faiblesses. Dans la partition d’un magistrat qui attend une nomination, celui qui incarna notamment Pierre Bérégovoy, impose sa belle personnalité.

Il y a une faiblesse dans l’intrigue de cette pièce : nous sommes dans la maison d’un grand magistrat. Mais qui espère encore aller plus loin et attend une nomination. Il est suspendu aux appels qu’il espère, auprès d’une vieux téléphone fixe.

Au détour d’une remarque de sa fille, on comprendra que l’on est bien de nos jours, mais que les portables ne passent pas dans le bureau de Monsieur.

C’est déjà un peu bizarre ! Mais ce qui fait défaut, ici, c’est que tout commence par la découverte, dans le jardin de la famille, d’une jeune, très jeune voisine, qui serait morte assassinée. Mais cela ne trouble en rien les protagonistes. Ils ne sont pas émus, ils n’en parlent presque pas. Ni l’épouse, la très jolie Florence Darel, ni les enfants, un garçon et une fille, qui ne pensent qu’à leurs petites affaires, ne semblent profondément touchés.

Si jamais le dramaturge n’avait pas songé à souligner un peu plus les réactions de la maisonnée, on aurait pu espérer du metteur en scène, Daniel Colas, qu’il corrige ce léger manque…Mais il n’en est rien. Dommage.

Dominant une distribution sympathique, Daniel Russo impose un personnage auquel on peut croire. C’est par lui, ce qu’il espère, ce qu’il dit ou commente, que passe la charge de Jean-Marie Rouart contre la justice. On n’oublie pas que ce romancier, homme de littérature à l’oeuvre ample, n’a jamais laissé de côté son métier de journaliste. Il fut celui qui défendit avec force, argumentant, imposant ce qui apparut pour les erreurs des enquêteurs des juges, le jardinier Omar, celui qui avait été accusé par l’inscription « Omar m’a tuer » (sic).

Chevalier flamboyant, homme de parole à la flamme lyrique, il est ici dans un exercice pour lequel il se montre un peu timide, trop gentil d’une certaine manière.

Ainsi Daniel Russo, que l’on a souvent applaudi, ces dernières années, dans ce très agréable Théâtre de Passy, donne sa légitimité à la charge et éclaire le propos. Un grand acteur, un interprète aussi sensible que délié, un comédien profond, conscient de ses responsabilités. Le personnage peut être ridicule dans son désir forcené de nomination, mais Daniel Russo nous montre un homme, humain trop humain. Tout en laissant sourdre l’acidité des remarques de Jean-Marie Rouart, homme libre et grande et belle conscience de notre monde.

Théâtre de Passy, à 19h les mercredi, vendredi, samedi, 21h le jeudi, dimanche 15h. Durée : 1h20. Tél : 01 82 28 56 40.

On connaît depuis longtemps son talent large et profond. Il aime faire rire, mais il est aussi à l’aise dans les répertoires graves.