Simon Gauchet, au cours d’un séjour à la Villa Kujoyama, a mené son « Expérience de l’arbre » qu’il développe avec un acteur de nô de l’école Kongo, Tatsushige Udaka.
La Maison de la Culture du Japon permet d’approcher de manière vivante, profonde, chaleureuse, les arts d’une civilisation difficile pour nos consciences cartésiennes.
Donné pour seulement trois représentations (repris dans quelques mois) est un spectacle très singulier, un moment qui tresse les traditions orientales et occidentales en un étrange ruban moiré.
D’un côté un jeune artiste passé par une formation professionnelle solide, à Rennes, co-fondateur du Jeune Théâtre Laboratoire, metteur en scène, scénographe, Simon Gauchet est un artiste à l’esprit assez encyclopédique. Il a été, en 2018, lauréat de la Villa Kujoyama (un peu Médicis au Japon, pour dire abruptement).
Dix ans auparavant, il avait rencontré un jeune acteur de nô, Tatsushige Udaka, formé dès l’âge de trois ans à l’école Kongo. C’est un artiste qui travaille sans cesse et transmet.
On retrouve ces deux jeunes gens sur le plateau de la Maison de la Culture du Japon pour un spectacle très clair, très lisible, avec des pointes d’humour et beaucoup de gravité retenue et d’émotions esthétiques complexes. Ils sont accompagnés d’un musicien qui ne lâche pas une seconde la représentation, Joaquim Pavy.
Musique en direct, mais aussi jeu des voix qui sont le chant profond de la terre, ici. Ce qui fait bouger l’arbre, littéralement.
Avec eux, un protagoniste essentiel, un arbre. Des branches, des morceaux de bois qui vont prendre vie et devenir un grand arbre qui s’élèvera dans les airs et dansera littéralement au dessus du plateau.
Au fond de tous les théâtres où l’on joue du nô, il y a un arbre, qui veille. Les artisans du spectacle le comparent un moment à la « servante » des plateaux occidentaux. Et ils savent que ce sont mondes de fantômes.
La grâce, la beauté, le mystère, mais aussi la simplicité fraternelle de savoirs qui s’échangent et s’épousent, c’est tout cela que nous offre L’Expérience de l’arbre. Le musicien et son chapeau orné de feuillage, Simon Gauchet et sa vivacité heureuse, son audace à tenter de trouver les mêmes accents que son camarade nippon, Tatsushige Udaka et sa densité, sa manière d’être puissamment présent, mais sans peser, son esprit -car lui aussi a beaucoup d’humour- ces trois là s’entendent à merveille et nous font comprendre leur quête.
Quelques textes sont traduits, poèmes délicats et fruités, qui éclairent le projet. Mais ce qui est beau c’est que le spectateur, pour sophistiqué que soit cette « expérience », n’est jamais hors jeu. On comprend tout par une mystérieuse imprégnation…
Après le Théâtre de la Paillette à Rennes, le spectacle a été donné à Maison de la Culture du Japon, les 15 et 16 novembre. Durée : 1h40. Il devrait être repris dans quelques mois.
Crédit photo Louise Quignon