Emilie Dequenne, le théâtre aussi

Courageuse, elle a lutté contre un cancer rare avec une pugnacité rayonnante. Depuis sa révélation dans Rosetta des Frères Dardenne, elle n’avait quasiment jamais arrêté de tourner des films. Sur scène, elle fut rare. Et exceptionnelle.

Saluons ici, au-delà de la force d’âme qu’elle aura manifesté en toute circonstance, dans la joie du jeu, du partage, comme dans la tragédie qui l’a emportée à 43 ans.

On ne l’avait pas vue dans ce Lysistrata d‘Aristophane, qu’elle aurait joué auprès de Philippe Torreton, en 2003.

Mais on revoit comme si c’était hier, son incarnation de Mademoiselle Julie. C’était à Marigny, en 2006, une mise en scène de Didier Long. Ses partenaires, étaient les excellents Christine Citti et Bruno Wolkowitch. Elle y fut d’une profondeur sensible, d’une vérité, exceptionnelles. Didier Long est un metteur en scène très fin, et les partenaires, des virtuoses. Mais jamais on ne ressentit aussi bien les contradictions, les déchirements, les sincérités sauvages et désespérées de Julie. Elle avait tout compris de Strindberg et donnait à l’héroïne un espace qui dépassait les circonstances temporelles. Moderne, actuelle, sidérante.

Un peu plus tard, en 2010, elle fut une Alexandra David-Neel très attachante, dans un texte de Michel Lengliney. C’était au Petit-Montparnasse. Elle n’avait pas trente ans. Elle avait trouvé en elle cette autorité consubstantielle à la grande voyageuse. Spirituelle, rugueuse, bouleversante.

Une interprète fascinante par la compréhension des oeuvres, des écritures, des personnages.