On la connaît depuis longtemps. Fille de cirque, fille des airs. Mais comédienne très sensible et lectrice intelligente. Elle a adapté pour un récit qu’elle porte, seule en scène, le grand et épais roman de Victor Hugo, L’Homme qui rit.
Acrobate, elle a commencé sa vie dans les airs. Trapéziste dans l’âme, elle touche à toutes les formes du spectacle avec une originalité puissante. Elle se renouvelle sans cesse. Depuis la rue Blanche et l’école du cirque Gruss, Geneviève de Kermabon a suivi une route très singulière. Adaptations de La Strada et de Freaks, qui lui valent l’amitié et l’admiration de Federico Fellini, de Peter Brook, de Jérôme Savary. Travaux de sociologue pour aller à l’écoute des autres et en nourrir des spectacles, tel Sous ma peau. Il y a quelques saisons, elle a créé Céleste, plongée mouvementée dans la vie d’une artiste de piste, aux frontières du cirque traditionnel et du « nouveau » cirque. Un bijou de spectacle, bouleversant et délicat, malgré la cruauté des mondes évoqués.
Avec L’Homme qui rit, elle propose une forme qu’elle n’avait encore jamais abordée : l’adaptation pour une seule voix du roman de Victor Hugo. Elle est allée à l’os, ainsi qu’elle le dit et nous livre l’histoire de Gwynplaine, avec une finesse aigüe.
Seule en scène, sur un fond noir, frêle, vive, menu visage de rousse flamboyante, regard clair et ferme, elle ne s’appuie que sur son costume sobre et les lumières d’Alireza Kishipour, et sur sa voix, sa sensibilité. Elle est d’une grande musicalité. Elle joue toutes les notes de ce récit bouleversant. Belle et passionnante histoire. Elle va et vient de récit à incarnation et donne vie théâtrale à certains personnages. Quelques silhouettes, dessinées rapidement, encadrent l’espace de jeu, et, un moment, on verra surgir un masque superbe, portrait de Gwynplaine, peut-être, mais masque qui irradie les temps anciens et prend de faux airs des civilisations andines. C’est Hugo l’universel.
Ce qui est très intéressant, est que Geneviève de Kermabon, tout en prenant grand soin du destin de Gwynplaine, parvient à nous rendre très proches les grandes interrogations de Victor Hugo. Sa lucidité, son engagement, sa foi en l’Homme.
C’est un moment de poésie pure et d’invitation à l’éveil. Le grand vent hugolien souffle dans la petite salle du Poche, un grand vent et des nappes de musique. Et la voix, très nuancée et prenante de Geneviève de Kermabon, que l’on suit, fasciné.
Théâtre de Poche-Montparnasse, à 21h00, chaque lundi, jusqu’au 4 novembre. Durée : 1h10. Tél : 01 45 44 50 21. www.theatredepoche-montparnasse.com