Il aurait eu 80 ans à l’orée de l’été prochain. Né en Roumanie, il vivait en France depuis cinquante ans. Universitaire, essayiste prolifique, c’était un pédagogue aimé de ses étudiants et un essayiste aux larges visions.
Il avait une voix douce et un léger accent, avec des « r » roulés et tendres. Il n’était pas immense de taille. On ne l’a jamais connu autrement que barbu. On ne sépare pas Georges Banu de son épouse, Monique Borie-Banu, qui l’accompagnait dans les salles de théâtre, et c’est à elle que l’on pense en ce triste matin d’hiver.
Georges Banu s’est éteint le 21 janvier. Il avait 79 ans. Il était né à Buzau en Roumanie et avait échappé aux sombres années Ceausescu en s’exilant en France au début des années 70.
Il y trouva vite une place très importante, dans le monde du théâtre. Professeur, à Paris III, Sorbonne nouvelle, il aura formé des générations d’étudiants se destinant à l’enseignement ou au jeu. Critique dramatique, il avait un jugement toujours nuancé, équilibré. Il aimait faire connaître, célébrer. Mais il était lucide et, ces dernières années, il était parfois perturbé par certaines personnalités sans culture et par des spectacles tape-à-l’œil.
Il participait notamment aux émissions d’Alain Veinstein, sur l’antenne de France Culture. Notamment avec Bernard Dort. C’était le temps si brillant des années 80.
Georges Banu était classique dans sa formation : des Grecs à Ionesco, son compatriote, il embrassait toutes les formes de théâtre. Il avait été très proche d’Antoine Vitez. Il se passionnait pour les écritures contemporaines, mais sans se laisser aveugler.
Il était d’une génération heureuse qui put être nourrie des créations des grands maîtres. De Tadeusz Kantor à Patrice Chéreau, en passant par Peter Brook qu’il révérait.
Il a écrit des dizaines d’ouvrages aussi savants que savoureux, des essais rigoureux et de très beaux albums. On ne saurait tous les citer, mais on n’oublie pas, entre autres, L’acteur qui ne revient pas, sur l’art japonais du théâtre, Le Rouge et l’Or, sur les théâtres à l’Italienne, ses biographies analytiques et beaux ouvrages de Peter Brook, Bertolt Brecht, Yannis Kokkos. Citons encore le très troublant Homme de dos, Amour et désamour du théâtre, et le dernier, Les Récits d’Horatio, sous-titré « portraits et aveux des maîtres du théâtre européen ».
On peut dire que Georges Banu aura passé sa vie, riche et colorée, à faire connaître et aimer le théâtre. Il était très actif, très aimé dans le monde entier. Il voyageait. Il connaissait, découvrait. C’était un éclaireur. Il va nous manquer. Mais il laisse ses livres, précieux, et d’une lecture heureuse.