On donne le sentiment, parfois, d’abandonner ce blog. Mais certains articles sont composés pour « La Tribune Dimanche », pour « Marianne Web ». Et on renvoie à ces publications…Aujourd’hui, passons en revue deux semaines de théâtre…
Les temps sont tristes. Nous n’avons rien écrit dans ces colonnes depuis la mort de Niels Arestrup. Avant lui, Jany Gastaldi et, hier, Tania Torrens, leur aînée de quelques courtes années. Nous reparlerons de cette femme très belle et qui jouait encore il y a quelques mois, dans la splendeur de son art, un art passé notamment par la Comédie-Française.
La vie du théâtre, ce sont ces grandes artistes, ces grands artistes que l’on n’oublie pas et qui sont la sève même de l’art dramatique. La moindre des choses est de rappeler leurs personnalités, leurs chemins souvent longs, brillants. Uniques.
Chaque soir, on se rend dans des salles. Grandes, célèbres. Ou beaucoup moins. Chaque soir on attend l’ailleurs : la poésie pour faire front à la déréliction du réel.
Parfois, avouons-le, on pourrait se dire que « c’était mieux avant ». Question de génération :lorsque l’on a eu la chance de vivre dans un monde où Jean Vilar était encore là, dans un monde où le jeune Chéreau débutait et que Giorgio Strehler était dans la plénitude de ses mises en scène, évidemment, tout peut paraître terne de nos jours.
Bernard Sobel comme Georges Lavaudant, Dominique Quéhec (mort récemment), Antoine Vitez évidemment, Peter Brook, Ariane Mnouckine, Jérôme Deschamps, Jean-Claude Penchenat comme Gildas Bourdet, Anne Delbée, Jean-Luc Boutté, Alain Françon, Jérôme Deschamps, Giorgio Strehler donc, Luc Bondy, évidemment, et les autres grands venus eux aussi travailler en France : Klaus Michael Grüber, Peter Stein, Christoph Marthaler, sans parler de Tadeusz Kantor, tant d’autres. Tous puisés dans le réseau des institutions dans un moment où le théâtre privé, luis aussi, était brillant. Un peu sur leurs talons, Stanislas Nordey, Krystszof Warlikowski, Arthur Nauzyciel, Thomas Jolly, Joël Pommerat, bien sûr, et les constellations des « collectifs » poursuivent à grande hauteur leurs travaux. Et l’on ne parlera pas de l’aujourd’hui même des Julie Deliquet, Louise Vignaud, Caroline Nguyen, ni même de ceux qui depuis des années nous interpellent :
On ne fera pas ici le tableau exhaustif des forces.
Mais avouons, sans chercher à blesser qui que ce soit, que les jours de déception sont plus nombreux que les jours d’enthousiasme.
Aujourd’hui, et cela tient bien sûr aux conditions historiques, sociétales, et aux bouleversements qu’ont apporté, dans l’esprit des représentations, comme dans la tête des artistes, les nouvelles technologies.
Mais le théâtre n’est pas un art vieux. Bien au contraire. Et on le mesure chaque soir, même si l’on est bousculé, parfois, par des engouements qui nous paraissent démesurés, pour de gentilles représentations, des ambitions prosaïques.
Nous en dirons plus demain matin. Mais dans les moments puissants auxquels nous avons assisté, il y a la grande plongée historique menée par Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil : Ici sont les Dragons ou « 1917 La Victoire était entre nos mains », première époque d’un « grand spectacle populaire inspiré par des faits réels » -nous avons parlé de cet immense travail par ailleurs, dans La Tribune Dimanche et dans Marianne web.
Il y a aussi, dans un format totalement différent, Marie Vialle, disant un texte de Claude Simon, L’Invitation, féroce récit d’une visite de personnalités « culturelles » diverses, acteur, écrivain, au temps des débuts Gorbatchev en 1986. QuInze personnes (dont lui) sous le regard aigu et l’esprit sarcastique de Claude Simon. Une interprétation exceptionnelle, avec un guide discret, le dramaturge David Tuallion. La représentation à laquelle nous avons assisté, se donnait à l’Espace Niemeyer, sous la coupole magnifique. Un parcours entre les spectateurs, va et vient fascinant, donnant le sentiment d’une grande liberté. Une diction rigoureuse, claire, une force intérieure, un charme profond : un pull de laine rouge, un pantalon sobre, une allure aristocratique avec son port de tête de danseuse : magnifique. On en reparlera. Les artistes de cette production, avec un peu de musique, des lumières, et des archives d’images à la fin, souhaitent ne la donner que dans des lieux de pouvoir. Un projet à l’initiative de Nicolas Auvray, d’Amiens et dont les premières représentations ont eu lieu à la Cité Internationale de la Langue Française, à Villers-Cotterêts. A suivre, donc.