Il avait été l’un des premiers lieutenants de Roger Planchon, dirigé de grandes institutions à Tourcoing et Villeneuve-d’Ascq, à Toulouse. Il avait dirigé le conservatoire. Il était humble et lucide. Il s’est éteint hier. Il avait eu 86 ans en février dernier.
Il y a trois ans, en janvier 2019, il avait envoyé, à quelques personnes en qui il avait confiance, deux manuscrits, deux « cahiers », intitulés Une étincelle entre deux néants. C’était l’histoire de sa mère. Elle était née le 18 septembre 1914. Elle avait choisi de mourir. Jacques Rosner avait écrit ce récit pour ses nièces, Laurence et Valérie. L’homme de théâtre complet, qui vivait à Paris et que l’on rencontrait souvent au spectacle, annonçait en même temps qu’il se retirait, avec Nicole, sa femme, en Normandie. Leur adresse était merveilleuse : le village, création récente, réunion de hameaux, se nommait Belle Vie en Auge.
Une belle vie au pays d’Auge, ni Nicole ni lui n’en auront eu vraiment le loisir puisque la pandémie s’est abattue sur le pays, et que Jacques Rosner s’est éteint en cette fin mars 2022. Il avait eu 86 ans le 5 février dernier.
On ne l’oubliait pas. Il était un lien, une référence. Le théâtre est souvent affaire d’invention et de rupture, mais surtout de passage, de partage, d’héritage. Lui, qui évoque évidemment l’enfant qu’il fut, Jacky, en racontant sa maman, lui qui était né et avait grandi à Lyon, se trouva très jeune dans le cercle d’un artiste qui a marqué le XXème siècle, Roger Planchon. Auparavant, l’exode, le train attaqué par les avions, tout cela le petit garçon de quatre ans l’avait en tête. Comme Nice, un peu plus tard.
Le temps passa. On retrouva Lyon. Jacky avait été saisi de la passion du théâtre. Il voulait suivre des cours, mais il n’avait que 14 ans, et il fallait avoir 17 ans pour entrer au conservatoire de Lyon. Mais, grâce aux adultes de sa famille, très attentifs à ses rêves, il put suivre les cours de Suzette Guillaud. Il y avait là un « grand » de 19 ans. Roger Planchon.
Le destin de la mère de Jacques fut tragique.
Il continua. Avec Roger Planchon, jusqu’en 1970. En 1971, il fut nommé au CDN de Tourcoing. Il fit édifier à Villeneuve-d’Ascq, La Rose des vents. En 74, il prit en mains les destinées du conservatoire, neuf années durant, introduisant de grandes réformes, dans l’après 68. En 1985, il fut nommé à Toulouse, au Grenier de Toulouse-Théâtre Daniel Sorano. Il y demeura jusqu’en 1995.
Comédien, metteur en scène, on complètera ce parcours demain, il fut un interprète sensible, un homme de théâtre engagé dans son temps, mais sans raideur. Il dirigea des dizaines et des dizaines de comédiennes, de comédiens, mit au jour des textes puissants, des poètes de la scène. Un grand serviteur du théâtre que les jeunes générations ne connaissent peut-être pas bien, mais qui fut un grand homme, un grand citoyen. Nous lui rendrons un plus large hommage.