Dans Furie texte qu’elle a imaginé, composé et qu’elle interprète, veillant en partie à la mise en scène avec le très sensible Alexis Gilot, elle est sidérante. Une artiste déjà repérée, notamment au cinéma et à la télévision, mais que nous ne connaissions pas. Un grand moment, à Artéphile, très bonne adresse.
Dans le off, les révélations sont rares, et, malgré les plus de 1600 spectacles à l’affiche, on a le sentiment de revoir les mêmes histoires, plus ou moins bien construites (1).
Et puis un soir, soudain, on est époustouflé et séduit par un propos hors norme, une interprète exceptionnelle, une mise en scène accomplie. Furie n’a rien pour nous conduire jusqu’au très chaleureux théâtre Artephile si l’on s’en tient aux résumés abrupts qui diraient : il s’agit d’une femme, pilote de Formule 1, à quelques heures d’une course.
C’est pourtant cela. Il y a une femme. Elle est pilote de Formule 1. Dans quelques heures elle prendra le départ d’une course dont tous les concurrents, évidemment, sont des hommes. Elle est surnommée « Furie » par le métier. Les femmes pilotes de Formule 1, c’est encore plus rare que les femmes pilotes de chasse.
On ne vous racontera pas tout, ici, car l’un des plaisirs de ce moment, tient à la manière dont est conduit le récit. Rien. Un sol en damier noir et blanc. Une chaise, noire, graphique. Une combinaison de course, accrochée, dans un coin. Des lumières de Pacôme Boisselier. Du son par Timothée Sarran. Quelques projections et notamment des indications temporelles : 7 heures avant la course, 1 heure avant la course, etc Un montage vidéo aussi rapide qu’un démarrage de Grand Prix –Nicolas Bochatay- et un mini bolide, conduit hors champ par le complice de l’interprète : Alexis Gilot, très bon comédien et ici, très bon co-metteur en scène. Citons encore Lilou Magalie Robert, pour la fluidité dansée des mouvements et les costumiers, Noé Aenishanslin Mamin et Tommy Capiaux, pour une combinaison de course très ressemblante…
Mais ce déploiement de collaborateurs artistiques, en tête desquels Clémence Coullon, ne serait rien sans la personnalité de la comédienne, Leonor Oberson. Une brune au teint clair, regard sombre et ferme, une flamboyante à la … Leonor Fini, justement : cheveu noir et tempérament ardent. Fine et fluide dans un collant noir et un petit haut de gymnaste, noir lui aussi, elle est d’une liberté idéale. Elle bouge et parle, elle raconte. Elle explique comment elle a découvert un jour qu’il n’y avait guère eu de femmes dans le monde de l’ultra-vitesse et comment la dernière avait disparu il y a bien longtemps. Elle avoue aussi qu’elle a découvert Ayrton Senna et son destin tragique. Le Brésilien brillantissime né en 1960, trois fois champion du monde, en 88, 90, 91, n’était pas au meilleur de sa forme lorsqu’il prit le départ du Grand Prix de San Marin, sur le circuit d’Imola, le 1er mai 1994. Il y avait eu un mort, aux essais. Si sa bagarre avec Alain Prost, évoquée dans le spectacle, était éteinte, il demeurait très soucieux de demeurer le premier, à toute force. Mais Ayrton Senna avait un mauvais pressentiment.
Ce n’est pas tout le propos, cette présence du fantôme de Senna. Mais cela aiguise encore les qualités de jeu de Leonor Oberson. Une présence, une voix très bien placée, une élocution précise, un art aérien. Une manière de s’adresser au public. D’assumer son regard. Une force, une joie, un esprit. Si son beau visage appelle le tragique, elle est très drôle, jusqu’à la cocasserie. Et l’une des qualités de ce moment tient à cela : en plus elle nous fait rire.
Théâtre Artéphile, 7 rue Bourg-Neuf, 84000 Avignon. A 20h30, jusqu’au 21 juillet. Relâches le mardi, les 9 et 16 juillet. Durée : 1h10. www.artephile.com
Lauréat de la Bourse Adami Première fois, et du fond de soutien à la création et l’émergence de l’AF&C.
1. Des comédies sentimentales, d’autres destinées à faire rire, plus ou moins laborieusement. Ne parlons pas des seul(e)s en scène, d’une éprouvante monotonie. Cette année, on l’a déjà dit, des thématiques très graves sont proposées : abus sexuels des enfants et des jeunes, inceste, manipulations diverses.