Ecrite par Mohamed Rouabhi, mise en scène par Patrick Pineau, cette comédie mélancolique s’intéresse au destin d’anciens comédiens. Une distribution forte enlève toute ambivalence au propos.
Avouons-le : on s’est rendu un soir de début octobre, au Théâtre de Sénart, pour le plaisir de retrouver des comédiennes, des comédiens que l’on n’avait pas vus ensemble depuis un bon moment…Certains, en effet, ont fait partie de la troupe de Georges Lavaudant, dans les années 70-90. Grandes années inoubliables de Palazzo Mentale, de Richard III, des Géants de la montagne pour ne citer que trois titres.
Annie Perret, Marie-Paule Tristram, reines d’un univers. Monique Brun, qui a beaucoup joué par ailleurs, comme Louis Beyler. D’une autre génération est Aline Le Berre, mais elle a connu le metteur en scène par un atelier et par La Cour des grands, plongée dans l’histoire pour les 50 ans du festival. On croise aussi aux Hortensias, du nom de la maison de retraite où se retrouvent des artistes au crépuscule de leurs carrières, Olivier Perrier, l’une des grandes figures des Fédérés, Claire Lasne-Darcueil, directrice du conservatoire, Ahmed Hammadi-Chassin, Djibril Mbaye, Nadine Moret, jeune recrue, et Mohamed Rouabhi l’auteur, lui-même. Un très beau groupe d’artistes.
Tout commence par une visite de groupe, une intrusion dans le monde protégé de ces artistes : comme les Hortensias sont installés dans un ancien bâtiment religieux, avec un joli cloître, on va voir…Comme si les êtres qui vivent là pouvaient être dérangés : ils ne comptent pas. Rouabhi n’a pas besoin d’autre chose pour dire la mise à l’écart.
Dans le joli décor de Sylvie Orcier, les costumes de Camille Aït Allouache, les lumières de Christian Pinaud, rien n’est triste. S’il y a des bouffées de mélancolie, des chagrins, des regrets, des aigreurs, des piques, les sentiments qui dominent sont ceux de la solidarité, de l’amitié. A l’exception de Claire Lasne-Darcueil, la seule Marie-Thérèse, directrice de l’établissement et d’Olivier Perrier, Prosper, chacun endosse plusieurs personnages, changeant d’humeur avec esprit.
On ne peut s’interdire de penser au beau film de Julien Duvivier, La Fin du jour. On pense à Pont-aux-Dames et à l’association « La Roue tourne ». On joue aux cartes, on se dispute, on a des habitudes, on rêve encore, et même, on est amoureux.
Rien de mièvre en tout cela, mais une heureuse plongée dans un univers que l’on connaît mal, en fait, et qui intéresse peu le monde de l’art. On n’a pas oublié pourtant le film-reportage de Valeria Bruni-Tedeschi, suivant le travail du danseur et chorégraphe Thierry Thieû Niang, Une jeune fille de quatre-vingt-dix ans. Ici les plus vieux ont soixante-dix ans et quelque. Encore jeunes, encore plein d’espérance.
C’est finement écrit, dirigé et joué avec une délicatesse de chanson jolie. La musique est là, par Alexandre Koneski et François Terradot, qui soignent aussi le son et donnent à l’ensemble un charme de plus. On vous laisse découvrir la mise en scène aigüe de Patrick Pineau, les coups de blues des protagonistes, les numéros, le goût de la représentation qui ne les a jamais abandonnés.
Ce spectacle a été vu au Théâtre de Sénart, le vendredi 1er octobre où il a été créé et joué encore les 2 et 3. Il est repris les 25 et 26 novembre à 20h00, samedi 27 à 18h00, dimanche 28 à 16h00. Durée : 2h30 sans entracte.
Tél : 01 41 60 72 72.
Puis à Montluçon les 14 et 15 décembre ; à Bourges les 8 et 9 mars 2022 ; à Chalon-sur-Saône les 24 et 25 mars ; au Havre les 30 et 31 mars ; à Grenoble les 6, 7 et 8 avril ; à Perpignan les 21 et 22 avril, à Lyon, aux Célestins du 11 au 15 mai.